Le « tachisme » de Ma Qun
Les « corps conducteurs » - couleurs et formes avec lesquels Ma Qun crée - vivent, boivent le support pour s'en emparer. Une crudité lyrique jaillit entre dépossession et reprise. Volumes et coloris sont composites et au besoin incongrus pour abolir au mieux le front des apparences et le remplacer par une vision agitée. Tout est en acte donc rien n'est figé. La narration plastique ignore la froideur et la rigidité. A sa place : la souplesse et la densité. Une force envahit l'espace. Il faut sans doute un beau courage à l'artiste pour oser un tel travail. Il n'illustre pas une thèse. Il fait mieux : s'y fonde un système poétique particulier. L'infériorité du logos est remplacée par des visions qui desserrent le carcan de la représentation au profit d'un langage où les « images » se retournent d'elle-même pour monter un « breaking down » où lignes et courbes criblent l'espace afin d'atteindre non le néant mais à ce qui se cache derrière.
Par l'approche informelle, surgissent des fibres et des pans étranges. Chaque tableau s'agite : façon d'éveillé et non façon d'endormi pour paraphraser Michaux. Des gerbes jaillissent et lancent leur boule de couleurs, leurs typhons de lignes, leurs oscillations cultivent l'énigme. L'œuvre produit des trouvailles sournoises et traîtres mais qui sont les plus merveilleux des « misérables miracles » (toujours pour revenir à Michaux l'extrême oriental). Ma Qun feint donc d'aimer le lisse mais se livre à des pullulations comme à des éclipses. Son œuvre permet d'entrer dans l'humain qui n'est pas nôtre mais qui est pourtant bien de chez nous même s'il vient du bout du monde. Les éléments épars-joints prouvent qu'un démon semble avoir accompli de telles oeuvres. Le Démon existerait donc. Disons que ce qui en existe est ce que le créateur en montre puisque dans son travail il n'existe plus d'arrêts ni de répits.
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Voir LE MUSEE PRIVE MA Qun et l'Exposition Galerie Daniel Besseiche Voir la texte de Jean-Paul Gavard-Perret sur MA Qun paru dans Salon Littéraire |