CÉSAR LA RÉTROSPECTIVE CENTRE POMPIDOU

Le Musée Privé Magazine d'Art Moderne et Contemporain
 

CÉSAR LA RÉTROSPECTIVE 13 DÉCEMBRE 2017 – 26 MARS 2018 GALERIE 1, NIVEAU 6

La rétrospective de l’oeuvre de César présentée par le Centre Pompidou coïncide avec le vingtième anniversaire de la mort de l’artiste. Illustre dès l’âge de 25 ans, César a vécu plus de cinquante années de création. Il est la dernière figure majeure du Nouveau Réalisme dont l’oeuvre n’a pas encore fait l’objet d’une rétrospective au Centre Pompidou. À travers une centaine d’oeuvres présentées dans la plus vaste de ses galeries d’expositions, le Centre Pompidou propose de découvrir, dans toute son intégrité et sa richesse, le parcours de l’un des plus grands sculpteurs de son temps. Avec les oeuvres majeures les plus célèbres, comme à travers certains cycles plus méconnus, cette rétrospective présente un ensemble inédit à ce jour.

Né à Marseille en 1921, César commence un apprentissage qui le conduit à Paris à l'École nationale supérieure des Beaux-arts. À Paris, il croise entre autres, Alberto Giacometti, Germaine Richier, Pablo Picasso et se mêle à la scène artistique d'alors, côtoyant les artistes de Saint-Germain-des-Prés et de Montparnasse. Très tôt, il se fait remarquer par une technique qui lui est propre et lui apporte la célébrité : ce sont les « Fers soudés », les figures humaines et autres « Vénus » ainsi que le bestiaire qu'il invente, peuplé d'insectes et d'animaux de toutes sortes qui l'amènent à sa première exposition personnelle, galerie Lucien Durand en 1954. Bientôt célèbre, son oeuvre est exposée de Londres à New York.

CESAR Blu Francia 490 1998 Compression d’automobile, tôle peinte 170 × 84 × 80 cm Collection particulière © SBJ / Adagp, Paris 2017 Photo © ASP Alex Soto Photo

CESAR Blu Francia 490, 1998
Compression d’automobile, tôle peinte
170 × 84 × 80 cm
Collection particulière
© SBJ / Adagp, Paris 2017
Photo © ASP Alex Soto Photo

L’INTELLIGENCE DU GESTE

Confrontant sans cesse son oeuvre au classicisme et à la modernité, César élabore alors une pratique fondée sur ce que le critique Pierre Restany appellera une opposition continue entre « homo faber » et « homo ludens ». Jouant de l’opposition entre une maîtrise assumée du métier de sculpteur et des gestes novateurs, César stupéfie son public lorsqu’au tournant des années 1960, il réalise ses premières Compressions. Présentées au Salon de Mai de 1960, elles font scandale et inaugurent un cycle aux évolutions nombreuses qui ne s’interrompra qu’avec la mort de l’artiste, en 1998. Les Compressions seront l’un des gestes les plus radicaux de la sculpture du 20e siècle, présentées aussi bien à la Documenta de Cassel qu’à la Biennale de Venise, repensées par de nombreux artistes allant de l’américain Charles Ray, au français Bertrand Lavier.

L’AUDACE DES MATÉRIAUX

Inventif et guidé par la logique accidentelle du matériau, César s’engage ensuite dans une forme de dialectique en développant des Expansions selon un principe opposé à celui des Compressions. Au métal compressé succèdent le polyuréthane et autres matériaux que l’artiste teinte et polit, leur appliquant son savoir-faire et une méthode propre à la sculpture classique. Après les Fers soudés, les Compressions et les Expansions sont tôt reconnues comme deux moments inauguraux de la sculpture moderne. Les Moulages et les Empreintes humaines, qui ont précédé et initié les Expansions, ajoutent à l’oeuvre de César une dimension nouvelle. Déléguant au pantographe l’agrandissement mécanique de son propre pouce à l’occasion d’une exposition autour du thème de la main, César conceptualise un nouvel aspect de sa pratique, variant délibérément les échelles et les matériaux, soucieux d’apporter une méthode jusqu’ici inconnue à l’art de la représentation. Autre sujet de prédilection, le thème de l’autoportrait traverse les différents cycles de son oeuvre.

UN ARTISTE DE SON TEMPS

César, au faîte de la célébrité, devient au tournant des années 1970, l’une des figures emblématiques de l’art de son temps. Associé aux artistes du mouvement du Nouveau Réalisme fédéré depuis 1960 par Pierre Restany, il expose dans le monde entier et réalise en public des expansions éphémères qui sont autant de performances. De Paris à Londres, de São Paolo à Milan, César allie à la permanence de la tradition classique des gestes radicaux et inventifs, souvent spectaculaires et éphémères. Refusant de choisir entre le mot d’ordre des modernes et celui des classiques, il construit ainsi une réflexion originale et sans doute médiane entre l’intensité d’expériences souvent imprévisibles requises par l’art de son temps et la sagesse du temps long que lui offre la pratique patiente et laborieuse de l’assemblage.

UN CONSTANT POUVOIR D’INVENTION

Les années 1980 voient se développer un nombre important de ses sculptures monumentales. La carrière de César est récompensée et il reçoit le prestigieux Praemium imperiale au Japon. Il expose dans le monde entier mais l’institution française - toujours elle - tarde à reconnaître en lui davantage qu’un maître du passé. Les rétrospectives de Marseille, du Jeu de Paume ou de la Fondation Cartier rappellent au public le rôle essentiel de l’artiste et son constant pouvoir d’invention. Il représente la France à la Biennale de Venise et ses rétrospective se succèdent à Milan, Malmö, Mexico... Après Otto Hahn, Pierre Restany, Daniel Abadie ou Catherine Millet parmi bien d’autres en France, une nouvelle génération de critiques venus de toutes parts le découvre et met en évidence la singularité de son oeuvre et de son propos, révélant un intérêt pour les matériaux les plus contradictoires allant du marbre au chiffon, du fer à la paille, du plastique au papier.

CESAR Fanny Fanny 1990 Bronze soudé, 200 × 120 × 260 cm Collection particulière,  Courtesy Fondation César, Bruxelles © SBJ / Adagp, Paris 2017 Photo © DR
CESAR Fanny Fanny ,1990
Bronze soudé, 200 × 120 × 260 cm
Collection particulière,
Courtesy Fondation César, Bruxelles
© SBJ / Adagp, Paris 2017
Photo © DR

AVANT-PROPOS

Par Serge Lasvignes

Président du Centre Pompidou

César est mort il y a presque vingt ans. Figure centrale de la création artistique de l’immédiat après- guerre, homme de gestes décisifs qui en firent l’un des artistes tutélaires du mouvement des Nouveaux Réalistes au tournant des années 1960, César eut droit à de nombreuses expositions de par le monde, jusqu’à son extraordinaire participation pour le Pavillon français de la 46e Biennale de Venise, au soir de sa vie. Reconnu par la critique comme l’un des maîtres de son temps, César fut créatif et foncièrement iconoclaste jusque dans ses dernières oeuvres. Il ne cessa de confronter son oeuvre au classicisme et à la modernité, jouant du contraste entre une maîtrise assumée du métier de sculpteur et des gestes profondément novateurs. Le Centre Pompidou devait à César Baldaccini cette rétrospective complète qui prend place dans la grande galerie du 6e étage.

Illustre dès l’âge de 25 ans, César fut sans doute l’un des artistes les plus reconnus de son époque : chacun a à l’esprit nombre de ses oeuvres qui sont devenues des icônes de la sculpture du 20e siècle. César, il est vrai, fut immensément célèbre et populaire de son vivant ; certains le lui ont reproché. Mais de ce point de vue aussi, César anticipa, mariant à merveille une oeuvre en perpétuel mouvement et le personnage public qu’il affichait, avec humour et faconde.

Au-delà du souvenir du personnage que tant de médias ont suivi et même traqué, César a laissé une oeuvre d’une puissance créatrice et d’une complexité exceptionnelles. C’est ce que la présente rétrospective – à travers une centaine de pièces venues du monde entier – entend révéler en dévoilant certes des oeuvres connues mais également des ensembles pour beaucoup inédits ou trop mal regardés. César a été l’homme des fameux Fers, des Compressions, des Expansions ou des Empreintes humaines mais aussi, on le verra, le créateur de tout un ensemble de pièces patiemment réunies ici, qui dévoilent la complexité et l’originalité profondes de sa création.

Révéler à de nouveaux publics des artistes dont la place dans la création de notre temps se doit d’être étudiée et comprise, une fois le travail des historiens et des conservateurs accompli : c’est l’une des belles missions du Centre Pompidou. Puisse cette exposition dont le commissariat est assuré par le directeur du Musée national d’art moderne, Bernard Blistène, donner une nouvelle lumière à une oeuvre magistrale dont la richesse et la complexité se confrontent désormais au temps et à l’histoire.

CÉSAR ET CÉSAR

Par Bernard Blistène

Directeur du Musée national d’art moderne, commissaire de l’expostion

Extraits du catalogue de l’expostion (cf p. 34)

On a beaucoup glosé sur l’oeuvre de César. De nombreux historiens de l’art et critiques l’ont fait dès le début des années 1950, fascinés par son inventivité et sa maîtrise et le font de nouveau avec acuité aujourd’hui. Comme si le pouvoir d’attraction de l’oeuvre et de l’homme, à tout moment, avait conduit l’analyste à tenter de comprendre son parcours, ses ruptures et ses lignes de fuite. César lui-même n’était pas avare de commentaires et s’attachait, on l’a souligné maintes fois, à brouiller les pistes afin de ramener l’analyse à sa seule préoccupation : la sculpture et sa puissance expressive, la sculpture et la logique du matériau.

La sculpture et rien que la sculpture. Comme si tout le reste n’était que littérature enfermée dans une glose qu’il écoutait, dubitatif ! Comme si toutes les tentatives d’aller sur d’autres terrains que celui de faire oeuvre ne devaient nous ramener qu’à son seul souci : donner à la sculpture une présence toujours plus forte, une présence au mépris des contingences du temps, pour se tenir face à la seule éternité.

On l’a dit et redit, César n’avait de lignes d’horizon que Rodin et ses presque contemporains, Picasso en tête. Picasso par-dessus tout. Sa vie durant, l’oeuvre sculptée de l’Espagnol l’aura fasciné. Sa technique, ses métamorphoses, son sens aigu et épiphanique du bricolage, son « instinct du matériau » – c’est César qui parle. Picasso fut pour César et pour tant d’autres le sculpteur par excellence, allant du plâtre à la fonte, du fer au bronze, de la tôle à n’importe quoi. Faire feu de tout bois et se réinventer sans cesse, avec ce qu’on a littéralement sous la main : un art consommé de la métamorphose.

C’est sans doute cette leçon, cette méthode que César s’est, sa vie durant, appliqué à lui-même. Aller de ferrailleurs en chiffonniers, de fondeurs en verriers, de marchés aux puces en brocantes,

de compagnons en artisans pour chercher encore et toujours le matériau corvéable à merci, la matière susceptible de toutes les transformations, la technique inconnue jusqu’alors. César, plus que nombre de ses contemporains, aurait pu affirmer sans ambages : « Ce que je fais m’apprend ce que je cherche 1 ! »

Aussi, tout de go, vient à l’esprit de se demander ce que César cherchait. On le voyait aller, des gestes les plus traditionnels aux gestes les plus radicaux. On le voyait faire vite et faire lentement, au point que le temps supposé passé sur certaines pièces brouille parfois encore toute chronologie précise. On le voyait privilégier le temps court – celui de la Compression ou de l’Expansion – et s’installer dans le temps long, celui des Fers soudés et autres oeuvres où le culte de la main habile, appelons ça « le tour de main », prenait le pas sur toutes formes d’instruments et de machines.

On le voyait, en quelque sorte et pour reprendre l’expression de Raymond Hains, son compagnon du Nouveau Réalisme, ouvrir un « chantier », l’abandonner pour y revenir, fort des nouveaux paradigmes qu’il avait inventés et ne cessait d’interroger, avec la seule idée d’approfondir les conventions que lui-même avait établies. On le voyait courir plusieurs lièvres à la fois. Tantôt classique, tantôt moderne, au point que l’exégèse s’y est parfois perdue et n’a pas su ou voulu comprendre ce qui faisait courir l’artiste.

On a dit de César qu’il était tout et son contraire, qu’il était versatile, classique et moderne à la fois. […] On a transformé en valse-hésitation ce qui était l’expression de contraires bien plus que de contradictions. César a sans doute été dialecticien malgré lui, s’escrimant à dialoguer avec l’histoire tout en étant indéfectiblement l’homme de tous les présents.

1 « Ce que je fais m’apprend ce que je cherche » : l’expression, on le sait, est attribuée à Paul Klee qui en fait les prolégomènes d’une méthode que nombre d’artistes du 20e siècle auront reprise à leur compte.

[…] César dit venir à la ferraille par défaut. Il lui faut des matériaux qu’il n’a guère les moyens d’acheter. Nécessité fait loi et l’apprenti sculpteur invente le Gobi (Esturgeon, 1954).

La sculpture, on le sait, a suscité l’étonnement et l’intérêt de celles et ceux qui l’ont vue dans la cour de l’École des beaux-arts ou à l’occasion de sa présentation à la Galerie Lucien Durand.

[…] Car César est bien là qui cherche une voie différente de celle que d’autres veulent tracer pour lui. Et c’est sans doute dans cette manière d’être et de faire que, vingt années après sa disparition, il est désormais nécessaire de lui reconnaître sa pleine singularité, voire sa radicalité.

[…] César n’a pas tranché ou plus exactement, a tranché et mené deux méthodes en parallèle. De 1960 à 1966 puis, bien plus tard, lorsqu’il en vint à de nouveaux Fers soudés et aux nouvelles Compressions – que celles-ci prennent par exemple la forme des « galettes » de la suite des Championnes ou de la Suite milanaise –, César navigua à sa guise d’une manière à une autre, d’une praxis à une autre, tout en développant de nouvelles trouvailles, afin de dire qu’il avait inventé des façons de faire qui lui étaient propres et qu’elles constituaient des perspectives ouvertes pour lesquelles lui seul dessinerait les lignes de fuite.

[…] Les clans se sont constitués. Les tenants du passé n’ont pas voulu voir ce que César mettait en oeuvre. Son marchand jusqu’alors complice de ses Fers […] s’est trouvé dépité lorsque César décida de mener de front plusieurs expériences. Les défenseurs de ses Compressions et bientôt

des autres aspects de son travail n’assumèrent pas qu’il s’attelât avec obstination à un Centaure. Hommage à Picasso. César, malgré et par lui, réactivait à sa façon une querelle ayant marqué l’âge classique, une opposition aussi féroce que fondamentale : on parlait alors de la querelle des Anciens et des Modernes 2.

Être « ancien » et « moderne » à la fois... Être l’homme d’un bestiaire de fer et simultanément de ballots de métal plus ou moins dirigés, sortis d’une presse industrielle, que l’artiste – il n’est pas inutile de le rappeler – avait été le tout premier à utiliser. Être l’homme des Compressions de carcasses de voitures ou de motocyclettes, de lits cages ou de tout ce qui pourrait plier sous la pression de la machine. Être l’homme d’Expansions de polyuréthane tantôt brutes et tantôt polies, tantôt blanches et tantôt irisées, au gré des pigments qui les composaient. Être l’homme des Empreintes humaines défiant la représentation par le pantographe ou d’Enveloppages de Plexiglas, s’enrubannant à chaud autour d’objets trouvés. Être tout cela et tellement davantage, au mépris des chronologies et d’une téléologie qui fondent l’histoire de l’art.

Centre Pompidou 75191 Paris cedex 04

01 44 78 12 33

http://www.centrepompidou.fr   

métro : Hôtel de Ville, Rambuteau

Horaires : de 11h à 21h, tous les jours, sauf le mardi et le 1er mai.

 

LE MUSEE PRIVE

Tél: (33) 09 75 80 13 23
Port.: 06 08 06 46 45

 
Patrick Reynolds
 

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