Livre Jacques Ochs Editions I.M.P. Benard Liege

Livres Illustrés

Jacques OCHS livre couverture en cuir et tissu dimensions 27 x 37 cm numéroté N°35, contenant 28 lithograhies sur papier superposées sur carton et signées dans la planche, préface de 4 pages de Charles Bernard ( voir le texte dans lire la suite) aux Editions I. M. P. Benard S.A., Liège, 1920

La couverture est défraîchie dans les coins et tâchée, toutes les lithos sont en bon état.

PRIX : 200 EUR

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JACQUES OCHS
 Livre JACQUES OCHS Editions I.M.P. Benard Liege
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Préface de Charles Bernard

Jacques OCHS (1883-1971)

Jacques Ochs, un Liégeois. On dit que les Liégeois, par opposition aux Anversois, essentiellement peintres, sont les dessinateurs de l'école belge. Ces généralisations font sourire; elles contiennent pourtant quelque chose de juste. Mais à Liège il y a eu Rops ; il y a Ochs. Si nous vous disions cependant qu'Ochs est aussi un peintre, et un peintre de race? D'ailleurs, voyez ses dessins, ces ombres, cette lumière. Que de couleur réalisée avec du blanc et du noir !

Voici un album de ces dessins. Il est loin de contenir l'œuvre complète. On y trouve cependant l'essentiel, le vrai, le meilleur Ochs. Caricaturiste ? Non, non dans le sens étroit où l'on entend ce mot. Caricaturiste, oui, si on y attache une signification littéraire, morale. En ce cas, nous dirions plutôt pamphlétaire. L'art d'un Ochs, c'est comme du Juvénal en coups de crayon. Et voilà du nouveau en Belgique, pays de peintres, de peintres orientés de plus en plus vers la nature morte, pour qui le sujet n'existe plus en dehors de sa valeur purement plastique et picturale. Ochs, lui, commente, illustre la vie qui passe. Comme le journaliste, il saisit l'actualité. Mais plus heureux que le journaliste, au lieu de la retenir pour un jour, l'espace de temps qui va d'une édition à l'autre, il la fixe pour l'avenir. Un recueil d'articles de journaux, si frémissants qu'ils aient apparu sous l'encre fraîche et qui tache les doigts de la feuille qu'on s'arrache, est toujours une chose morte. Au contraire, rien de plus vivant que cet album. Car dans chaque dessin, dont la légende seulement explique l'actualité et l'occasion qui le fit naître le trait l'émotion, l'art qui a élevé ces figures à la grandeur et à l'universalité d'un type, demeure éternel.

C'est surtout depuis la guerre que Jacques Ochs, arrivé à la maturité de son talent, a élevé sa vision et élargi sa manière jusqu'à ce pathétique qui nous frappe avant tout. Il a été soldat. Des tranchées il a rapporté une pitié profonde qui jamais ne s'exprime en propos déclamatoires. Et ses dessins, là-dessus, gardent la pudeur réticente de ses discours. Mais le drame qui l'a saisi tout entier se découvre dans toutes ses compositions, presque dans chaque ligne qui en garde comme le frémissement contenu. Il sert de fonda tous ses sujets, et jusque dans ses fantaisies les plus débridées on est brusquement saisi par le coup de pédale qui met en dessous sa plainte. Souvent le rire de Molière sonnait ainsi.

C'est la guerre qui a formé Ochs. Tout au moins, on serait tenté de le croire quand on considère tout ce que, depuis, son ouvre a gagné en profondeur. A quels destins se croyait-il voué, le jeune homme insouciant à qui la fortune, pas trop avare en somme, avait départi le don précieux de l'observation et de l'humour? Amuser les autres en s'amusant soi-même. C'est un cas fréquent et il y entre toujours beaucoup de pessimisme, comme chez ce personnage de Beaumarchais qui se hâtait de rire pour ne pas pleurer. Ochs a déjà sa philosophie, nanti en outre d'une bonne part de cette indulgence nécessaire à qui ne veut pas être injuste. Mais, à cette première période, la curiosité emporte tout. C'est d'abord le souci de compléter son éducation artistique, de perfectionner son métier. De Liège où il avait régulièrement suivi les cours de l'Académie, il se rend à Paris et Jean-Paul Laurens le compte parmi ses élèves. Il a gardé des leçons de ce peintre, qui fut un des maîtres de l'illustration, une façon de serrer le sujet en serrant le trait, de simplifier la composition tout en élargissant autour l'atmosphère, jusqu'à donner au moindre dessin l'ampleur d'une fresque. Mais ce n'est encore que l'anecdote qui le séduit. Rentré chez lui au bout d'un an, tandis qu'il peint des paysages et des natures mortes avec une application dont à ce moment il ne sent que le vide et la stérilité, le Journal de Liège l'aide à découvrir sa vocation. Il y publie une série de silhouettes de concitoyens notoires où, sous le masque caricatural qui fait leur succès auprès du gros public, il se dévoile un apprenti psychologue adroit et même un peu rusé, par contraste avec l'apparente naïveté de ses modèles qui, sans le savoir, lui apportent leur âme avec leur tête. Tout de suite ces dessins où se découvre déjà l'illustrateur futur de la Nation Belge et de Pourquoi Pas, sont remarqués. Nous sommes à un moment de l'évolution de la grande presse où  le dessinateur, l'artiste qui fixe en trois coups de crayon .l'actualité que le chroniqueur s'efforce de rendre en trois traits de plume, apparaît comme l'auxiliaire indispensable de ce dernier. Le Petit Parisien a la bonne fortune de s'attacher Jacques Ochs, qui commence aussitôt dans ce journal sa série des grands procès. Juillet 14. Il est au procès de Mme Caillaux, atmosphère chargée d'électricité, secouée d'apostrophes qui semblent appeler la foudre de l'extérieur. Trempé d'angoisse, de dégoût et de colère, Ochs ne s'en échappera que pour courir au canon. Une vie nouvelle commence pour lui, une vie d'un sens si plein, auguste. On a ri des hommes, de leurs défauts, de leurs tares. Ici, la mort, la gloire, la gloire nouée à la mort comme des couronnes de fleurs aux croix de bois et que le vent emporte bien vite pour que les croix restent veuves. O comme Ochs a compris cela !...

On pense communément que les grands sujets doivent inspirer les grandes oeuvres. Nous sommes un peu victimes ici du sens littéral des mots. Grandes oeuvres, grand art, qu'est-ce que cela ? L'épopée, le drame en littérature ; en peinture, la fresque, le tableau d'histoire... Versailles a sa galerie des batailles. Il serait évidemment fâcheux qu'elle en fût privée. Mais imaginez qu'un barbare eût fait gratter des murs du Palais des Doges les récits des combats que les Vénitiens livrèrent contre les Turcs et c'est comme si on eût arraché les pierres mêmes où ils sont peints. Il faut déjà reculer loin dans le passé pour retrouver ce rythme parfait entre l'épopée et la vie. L'épopée suppose une naïveté qui n'est plus de notre temps, une faculté d'illusion que les hommes ont perdue en vieillissant. Cependant la peinture d'histoire n'est pas morte. Elle revit, fragmentaire, mais souvent criante de vérité, dans les oeuvres des artistes combattants. Choisissant parmi tous ces matériaux épars, verrons-nous un jour un grand peintre en tirer la synthèse pour l'intégrer aux murs du temple? C'est possible c'est même certain. Mais ce sera pour des générations qui n'ont pas connu les souffrances des années terribles. Il nous paraîtrait presque impie, à nous, qu'on fit servir le sacrifice de tant de fiers jeunes hommes et qui furent nôtres, des frères, des amis, à des fins décoratives. Le deuil n'est pas fini. Et la splendeur de la victoire qui, tout de même, les emporte dans son vol, est encore tout obscurcie des désastres de sa rançon. Aussi, la guerre pittoresque, la guerre en images, a émigré vers les panoramas. Ces spectacles forains dont on ne peut méconnaître l'intérêt documentaire échauffent l'imagination, mais laissent le coeur froid. Combien, au contraire, on se sent le coeur pris à feuilleter les dessins de Jacques Ochs ! Le plus indifférent qui, par manière de passe-temps, les éparpille autour de soi d'une main distraite, est attentif, tout à coup, à la leçon de pitié qu'ils dégagent. Il n'a plus qu'à se laisser conduire, conquis par la noblesse d'un art qui répudie les grossiers stratagèmes du mélodrame. Jusque dans le geste de défense d'une fillette contre la brute ivre, Ochs met une dignité qui répudie tout sentimentalisme. Il élève naturellement la mère du soldat au pathétique des Piétas sacrées. Et voici le soldat lui-même. C'est toujours le même type, maintenant fixé pour l'éternité, mais surpris chaque fois dans une attitude qui exprime de la façon la plus émouvante un des aspects de l'âme exaltée, patiente ou douloureuse, du combattant. En quelques degrés d'une évolution étonnamment rapide et qu'il est facile de retrouver dans l'œuvre de l'artiste, son type du soldat atteint à la valeur d'un symbole. Est-il venu d'un village flamand ou wallon, celui-là ? Garde-t-il l'accent de son terroir et quel est l'horizon fuyant sur une ligne d'eau ou barré par le mur d'un coteau dont il emporte la vision dans ses yeux graves ? On ne sait pas, il est impossible de savoir. Ce n'est plus seulement un soldat ; c'est le soldat, celui que nous avons connu, que nous avons vu partir, à qui nous avons serré la main. Nous reconstituons autour une famille, un décor, les proches qui sont du sang de notre sang, la terre d'où nous sommes issus. Un geste théâtral, une attitude de jactance feraient fuir les chers fantômes que même l'imagination la plus indigente place naturellement auprès de lui. Et la feuille de papier où, sur un fond blanc à peine coupé de deux ou trois hachures, se dresse la silhouette solitaire du héros, déborde de personnages, maintenant, plus qu'un mur de Panthéon.

Pas de méthode plus directe que le dessin. De tous les arts, il est le plus dépouillé. Il parle une langue sans adjectifs. Il met la pensée à nu, comme sous l'épaisseur des muscles un scalpel saisit le nerf. Avec une apparente pénurie de moyens, des effets puissants, contrastés. Mais celui qui veut la parler, cette langue, doit en connaître la syntaxe. Une étude longue, difficile et qui rebute tant de jeunes gens qu'on voit s'adonner avec ardeur à la peinture des navets. Ochs ne s'est pas dégoûté, lui. Cérébral et sensitif, il avait compris tout de suite quelles ressources le dessin lui offrait. Non pas pour la satisfaction enfantine d'enfermer la nature dans un contour exact et de transporter selon les règles de la perspective les trois dimensions sur un bout de feuille. Dessinateur de race, au fur et à mesure qu'il acquérait la maîtrise de son métier, il a goûté de plus en plus la volupté du trait, la griserie de la ligne, de cet infini qui se prolonge au bout d'une pointe quand c'est l'inspiration qui la guide. Et ainsi le dessin est devenu pour lui moins qu'un procédé de représentation du monde extérieur qu'un mode d'expression directe. Il dessine pour dessiner. Il dessine de plus en plus pour le plaisir de dessiner. Chez les vrais artistes, l'art finit toujours par tout emporter et trouve sa fin en lui-même. Ochs y va. Comparez dans leur extrême simplification ses œuvres récentes aux plus anciennes. Le trait se fait toujours plus large, le contour néglige de plus en plus le détail pour ne retenir que l'essentiel et accuser davantage le caractère. Il déforme et même, par endroits, il néglige la forme pour serrer la vie de plus près, pour créer non plus de la vie par imitation, mais pour l'arracher, criante, du papier même.

Nous sommes à ce tournant dans la carrière de l'artiste. Le sujet, la légende si vous voulez, va de moins en moins jouer un rôle. Mais Ochs ne nous fera rien regretter. Du même coup, le champ de son observation deviendra plus vaste. Son crayon fouillera toujours plus avant dans ses modèles. Dans leurs âmes à nu, comme dans ces pièces anatomiques où naguère il cherchait le secret d'un mouvement, il scrutera le mystère de leurs tares et de leurs passions. Satires politiques, satires sociales dont cet album nous présente une série, si pleines d'accent et de verve, qui ne voit déjà qu'elles sont avant tout la satire de l'homme? Satires impitoyables où de tous les vices, le plus malfaisant et le plus universel, la bêtise, est bafoué avec une sorte de férocité allègre. Ochs leur a adapté un masque et nous ne les voyons plus autrement que sous ce masque-là. Genre attirant, genre terrible, mais dont la sécheresse est l'écueil, Avec Ochs, n'ayons crainte, car c'est sa générosité qui raille ainsi? Souvent amer, ironique jusqu'à la cruauté, il n'est jamais insensible. Même dans ses fantaisies les plus débridées, on sent la fibre humaine qui tressaille. Il en a fait la trame de son œuvre.

La voici dans une sélection de dessins choisis par l'auteur lui-même, manifestant au degré le plus éminent toutes les qualités d'un artiste de la lignée des Steinlen et des Forain, mais qui tout en conservant sa personnalité a aussi gardé les traditions propres â notre école. Grande par ses peintres, elle compte trop peu de dessinateurs de la trempe d'un Jacques Ochs. Une raison de plus pour marquer notre admiration à un artiste qui est assuré de notre amitié.

CHARLES BERNARD.

 

LE MUSEE PRIVE

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Patrick Reynolds
 

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