" Le temps de s'en apercevoir ", le titre du livre de Emmanuel de Waresquiel, prix littéraire 2019 du café Les Deux Magots, pourrait bien être la devise du café le plus emblématique de Paris. S'apercevoir de quoi ? Que la littérature et Les Deux Magots ont une histoire non pas parallèle, mais une histoire commune, liée l'une à l'autre, voire imbriquée l'une dans l'autre, le célèbre café s'identifiant comme le lieu de l'avant-garde des mouvements intellectuels .
Premiers clients que la littérature a retenus, Verlaine et Rimbaud s'y croisent, échangent regards et mots et s'y attablent . Les surréalistes emmenés par André Breton, y établissent leur quartier dans les années 20 ; refusant le conformisme du Prix Goncourt, ils décident, en 1933, de créer un nouveau prix littéraire « Le prix des Deux Magots » qu'ils décernent à un jeune inconnu, Raymond Queneau pour son livre " Le chiendent ". Intellectuels et artistes, révoltés, révolutionnaires ou anticonformistes les rejoignent pour témoigner de leur refus de l'académisme; Les Deux Magots peut s'enorgueillir d'accueillir à la fois Picasso et Fernand Léger, Prévert, Gide et Aragon, mais aussi l'auteur américain le plus amoureux de Paris et ses cafés, Hemingway qui immortalise cette atmosphère si particulière du Quartier latin dans " Paris est une fête ". Après guerre, c'est la grande époque du couple Sartre-Beauvoir dont les débats avec leurs amis existentialistes enflamment les nuits de Saint-Germain des Prés .
Prémonitoire, Baudelaire écrivait : " La vie parisienne est féconde en sujets poétiques et merveilleux. Le merveilleux nous enveloppe et nous abreuve comme l'atmosphère ; mais nous ne le voyons pas." Ainsi, Les Deux Magots est devenu LE café des intellectuels et de ceux, et ils sont nombreux, qui souhaitent les voir, les écouter et leur parler. " Le temps de s'en apercevoir ", un mythe est né.
Francoise Forgerit
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