« Villa Les Rêves »
Exposition Marco Del ReGalerie Maeght
42 rue du Bac, 75007 Paris
www.maeght.com
Du 13 octobre 2011 au 7 janvier 2012, la Galerie Maeght consacre une exposition à l’artiste italien Marco Del Re avec une quarantaine d’oeuvres, notamment des grands formats de la série « Villa Les Rêves ». L’artiste y propose un exercice de style sur la peinture, la notion, presque le concept, de vue intérieure qui est aussi une interrogation sur le peintre aujourd’hui.
Marco Del Re Desserte de V.H. I, 2011 Huile sur toile, 160 x 205 cm Courtesy Galerie Maeght |
« Villa Les Rêves », un jeu sur le motif La série « Villa Les Rêves » évoque la Villa Le Rêve, à Vence, où Henri Matisse séjourna de 1943 à 1949. Marco Del Re se livre à un exercice de style sur la « peinture d’intérieur », voyage mental au sein d’une chambre, dans une forme de huis clos où les volumes, les objets, les figures humaines sont autant de motifs construits et rêvés. « Villa Les Rêves » présente un univers tout à la fois structuré et onirique ; à partir de visions de l’atelier du peintre, l’artiste joue sur le thème du tableau dans le tableau, se saisissant d’un motif qu’il va épuiser jusqu’à le faire disparaître, pour donner naissance à une autre image. Il use de teintes pastels comme de couleurs éclatantes, ocres roses, bleues, beiges. Il travaille la matière, le jeu, les points de vue en proposant des décalages et des oppositions d’échelle. Réflexions de peintre, ces grands formats posent la question du sujet et de sa représentation, celle du dialogue avec des moments de l’histoire de l’art, notamment avec une certaine peinture des années 1920-1930 : « Le dialogue avec l’art peut être un rêve. Peindre est un paradoxe car, quand je me mets à peindre, je m’enferme. Le mouvement vient d’un repli sur soi, il n’y a plus de dialogue. Alors que pour avancer il faut des dialogues spirituels, des conversations avec les formes » commente Marco Del Re. « Ce dialogue implique un combat autour de la peinture, avec différents tabous, par exemple le tabou du grand maître (Matisse), ou encore le tabou de la peinture dite décorative ». |
L’oeuvre de Marco Del Re est un voyage où se réinventent et se côtoient la tradition classique et la peinture moderne. Son univers est un hommage à l’histoire de l’art, à la mythologie et à la littérature. Né à Rome en 1950, Marco Del Re, après avoir vécu à Venise, s’installe à Paris. Perpétuant les traditions lorsqu’il travaille dans l’atelier de gravure du Mas Bernard, chez les Maeght à Saint-Paul de Vence (où il privilégie les monotypes), il aborde des techniques plus expérimentales dans son atelier parisien. |
Marco Del Re Palette d’objets, 2011 Huile sur toile, 205 x 160 cm Courtesy Galerie Maeght |
Bien plus qu’un hommage, Marco Del Re puise son lexique dans celui des grands maîtres du XXe siècle pour construire sa propre phrase picturale : Bonnard, Braque, De Chirico, Derain, Matisse… La première exposition personnelle de Marco Del Re a lieu en 1974, peu après avoir cofondé la compagnie théâtrale Il Patagruppo créant des pièces d’Antonin d’Artaud ou d’Alfred Jarry. A cette époque, Marco Del Re montre des peintures, des dessins, des papiers griffés, gravés, des boîtes-sculptures. Il réalise des performances et des vidéos pour Art Tapes (aujourd’hui collection de la Biennale de Venise), unité de production de vidéos d’artistes. Il présente des ensembles de polaroïds, retouchés, grattés (série Sade Breton, Roussel, 1976). « Villa Les Rêves » Exposition Marco Del Re à la Galerie Maeght 13 octobre 2011 > 7 janvier 2012 Adresse : 42 rue du Bac, 75007 Paris |
A propos de la Galerie Maeght C’est en 1936 que s’ouvre, à Cannes, la première Galerie Maeght puis, en 1946, à Paris. Y seront exposés les plus grands artistes internationaux, qu’ils soient français (Braque, Matisse ou Léger), espagnols (Miró, Tàpies ou Chillida), russes (Chagall ou Kandinsky), américains (Kelly ou Calder), suisse (Giacometti), mais aussi issus de toute l’Europe et de l’Asie (Van Velde, Ubac, Tal-Coat, Bazaine, Riopelle, Alechinsky, Rebeyrolle, Adami, Monory, Ting). Aujourd'hui, la Galerie Maeght est dirigée par Isabelle Maeght. Les expositions proposent de retrouver des oeuvres, peintures, sculptures ou photographies, d’artistes historiques à la notoriété internationale et de découvrir les oeuvres de nouveaux talents tels : Gérard Gasiorowski, Marco Del Re, Aki Kuroda, Manolo Valdes, Oh Sufan, Ernst Scheidegger. A l’origine, Aimé Maeght (1906-1981) ouvre une imprimerie puis très vite devient éditeur de livres et de gravures. Aujourd’hui, la tradition est maintenue par Jules Maeght qui accueille les artistes qui viennent créer leurs estampes à l’imprimerie ARTE Adrien Maeght située près de Montparnasse à Paris. Toutes les techniques d’impression, de la plus traditionnelle à la plus avant-gardiste ou technologique, sont à la disposition des artistes dans les ateliers : lithographie, gravure à l’eau-forte ou au carborundum, pointe sèche, bois gravé, aquatinte, impression numérique… Le tirage de chaque gravure est limité à quelques dizaines d’exemplaires qui sont numérotés et signés par l’artiste. Avec 12 000 titres publiés, Maeght Editeur est reconnu comme le plus important éditeur de lithographies et gravures au monde. Visionnaire de génie, Aimé Maeght était tout à la fois marchand d’art, éditeur, producteur de films, collectionneur audacieux. Assisté de son fils Adrien, cet homme a non seulement su donner un prestige et un statut exceptionnels au métier de marchand d’art, mais a également développé avec passion ses activités de collectionneur et de mécène de l’art contemporain en créant, en 1964, à Saint-Paul de Vence, la Fondation Marguerite et Aimé Maeght, premier musée privé en France. Conçu pour accueillir l’art contemporain dans un lieu réalisé en collaboration avec les artistes. 200 000 personnes visitent chaque année la Fondation Maeght et son célèbre labyrinthe de Miró, les oeuvres des artistes majeurs du XXe siècle font partie des collections tels Miró, Giacometti, Calder, Braque, Chagall, Léger… Chaque été une magistrale exposition au retentissement international y est présentée, telle la rétrospective Chillida en 2011 (jusqu’au 13 novembre). La collection compte plus de 10 000 oeuvres dont 50 sculptures de Giacometti, 150 sculptures de Miró, le plus grand tableau peint par Chagall. |
FLOWER POWER DE MARCO DEL RE par Jean-Paul Gavard-Perret |
On doit à Yoyo Maeght la découverte, il y a plus de vingt ans celui qui, depuis, est devenu un architecte, un graveur, un dessinateur puis désormais un sculpteur et un designer, mais qui reste avant tout un peintre : Marco del Re. Né en 1950 à Rome, il vit et travaille à Paris où il expose, depuis 1988, à la Galerie Maeght. A mi-chemin entre tradition classique et peinture moderne, son œuvre puise son inspiration dans la littérature et la mythologie, à la source de l’histoire de l’art qui’il revisite sans cesse. En 2008, la Galerie cité a présenté des sculptures en bronze, symptomatiques de ses nouvelles pistes d’expérimentation ainsi qu’une série de tableaux réalisés, en hommage à Braque, entre 2006 et 2007 dans son atelier de la rue Daguerre, à Paris.Ces huiles sur toile sont des oeuvres d’un paysagiste empreints d’italianité à travers des collines ocres et rondes, peuplées de cyprès. Çà et là, des temples et colonnes rappellent les premières amours de celui qui étudia l’architecture à Rome. A travers de telles constructions l’âme antique de la peinture s’impose mais elles nous ramènent aussi à Paris. Le noir qui n’est là qu’afin de se marier aux couleurs sourdes des pigments terreux, s’oppose intentionnellement et de manière radicale, à toute autre couleur et chaque toile devient une vision de divers mirages et rêveries. Avec la quarantaine d’œuvres tirés des grands formats de la série « Villa Les Rêves » présenté à la galerie Maeght , l’artiste propose un exercice de style sur la peinture, la notion, presque le concept, de vue intérieure qui est aussi une interrogation sur le peintre aujourd’hui. La technique de l’artiste se mêle à ses fragments de mémoire : ses grands espaces italiens contraste avec le motif de l’atelier, lieu clos où s’absorbe sa vie et s’accomplit son œuvre au moment où la sculpture donne une nouvelle dimension à son goût pour les formes et les volumes. A travers ses sculptures bifaciales comme « Crocodile-feuille » (2008), une feuille et un crocodile se mixe en une nouvelle forme qui naît de leur réunion dans laquelle l’artiste ne dissimule pas une propension à dévoiler une intimité. Cependant on est bien loin de ces évocations "domestiques" où s’éprouve une sociabilité apaisante ou encore une attention portée aux images furtives du paradis d’enfance. Chez lui ce qui est retenu appartient à des moments de vie «à l’envers», qui s’épanouissent «à contre-temps», comme si c’était la marge, le bord des choses, quelque part entre solitude et liberté qui comptaient même lorsqu’il évoque des paysages intérieurs. On est loin alors d'un panthéisme béat, d’une recherche d’un bonheur perdu, on est à la source même de l'art et de ce qu’il engage. La bipolarité travaille ainsi autant l’union qu’elle cède à l'impulsion de la fissure. Elle participe de la brisure contre l'intégrité de l'étendu tout en revendiquant une unité paradoxale d’une quête vouée à communiquer une véritable phénoménologie cachée de la vie dans ce qu'elle a de plus intime ( bien loin des prétendus aveux de secrets anecdotique ) à travers l’économie remarquable des moyens plastiques mis en œuvre pour parvenir à l’expression révélatrice de la pensée intime, celle qui ne se pense qu’à mesure que le travail avance. Tout spectateur de l’œuvre se trouve dès l’abord confronté à l’apparente clarté structurelle de ses pièces inspirées largement par l’épreuve de la peinture ou de choses vues ou plutôt ressenties au plus profond de l’expérience intérieure. Une configuration minimale s’impose alors, identifiable dès la première vision mais qui devient récursive d’un tableau ou d’une sculpture à l’autre. Partant - par exemple - de figures quasiment ornementales (éboulis, ligne brisée, coulure, reflets) l’art s’ouvre bien loin du fameux paradigme de la réminiscence dans laquelle mitonne toute une peinture académique. Pour Marco Del Re la sensation n'est plus proustienne mais le médium privilégiée par lequel s’opère la révélation qui ne se contente plus de ressusciter ou de ressasser les traits d’un passé depuis longtemps tombé dans l’oubli. A l’évidence, la mise en perspective est beaucoup plus intéressante et porte la peinture ou la sculpture loin des sentiers battus : une autre "scénarisation" s’enracine. De la ligne brisée d’une colline à celui d’un bras, tout s'enchaîne et participe à l’élaboration progressive d’un espace alternatif signifiant pourtant de manière unitaire pour le spectateur qui se trouve renvoyé à sa propre expérience du monde. Nous sommes donc loin des longues intercessions qui peuvent accompagner dans l’art l’expression du sentiment intime. Aucun détour, aucune spéculation formelle ne prélude à notre entrée de plain pied dans cette intériorité annoncée comme telle mais dont le but n’est pas de montrer un « moi ». La peinture devient dès lors un étrange discours sur un poème fantôme dont la ligne de fuite ultime, rescapée lointaine de l’éboulis initial, renvoie l’espérance habitable au cœur de celui qui regarde une telle œuvre. Cette détermination du foyer de l’expérience artitique résulte d’un choix plus que stylistique : vital. Marco Del re refuse toute neutralité au profit d'un engagement intime essentiel puisque chez lui l'intime n'est pas de l'ordre de l'événement il est de l'ordre de l'avènement plastique qu’il définissait ainsi dès 1995 dans son « Petit traité du dessin » (Maeght) : « Disperse Sybille tes feuilles de chênes aux vents, les miennes qui sont imaginaires, je garderais ». N’hésitant pas parfois à employer le « crayon iodoforme » pour mieux inciser le trait corrosif et, dit-il, « hystérique », l’artiste sa plait à dessiner à l’envers puisque la vie elle même est souvent ainsi. Laissant couler sur la support l’encre ou la peinture seulement lorsque « le bâtiment est en péril », celui qui ne se veut surtout pas un tachiste connaît les enjeux abstraits de l’art même lorsque ce dernier est figuratif : « Il n’estr pas nécessaire de s’ouvrir les veines, ni de manger des oranges d’Italie pour dessiner à la sanguine » écrit celui qui connaît la distance entre l’art et la vie. Il sait aussi que l’art ne raconte pas mais dit. Il dit le cœur de l’artiste dans ce qui se résume à la formule qui pour Marco del Re définit le mieux son art :Mépris et maîtrise de la forme. C’est la la quadrature du cercle, c’est là qu’un tel créateur n’a cesse de tourner. J-P Gavard-Perret |