Face au paysage et à la nature, son jardin pour Monet, les bords de Seine pour Mitchell, Monet et Mitchell développent une démarche picturale qu’ils définissent en termes analogues, faisant référence à la « sensation » pour Monet et aux « feelings » pour Mitchell. Les deux artistes partagent une sensibilité aiguë à la lumière et aux couleurs dont le jeu constitue le fondement de leur art. Mitchell cherche leur association dans sa mémoire, sans cesse sollicitée ; l’évolution tardive de Monet se caractérise par l’abandon du contour des formes au profit de la couleur à travers la captation d’une lumière fugitive, Monet et Mitchell exprimant un rapport fusionnel et lyrique au paysage.
À travers soixante-dix œuvres emblématiques des deux artistes, l’exposition offre au public un parcours scandé par des correspondances visuelles et thématiques. Trente-cinq œuvres de Claude Monet, notamment vingt-cinq toiles appartenant au Musée Marmottan Monet offrent une sélection des w. Rarement désencadrées, ces œuvres dialoguent avec trente-cinq œuvres - vingt-cinq peintures et dix pastels - de Joan Mitchell. La présentation de deux ensembles exceptionnels constitue un événement artistique :Frank Gehry.
- • Le triptyque de L’Agapanthe (env. 1915-1926) de Claude Monet, Grande Décoration de près de treize mètres, conservé dans trois musées américains (Cleveland Museum of Art, Saint Louis Art Museum et le Nelson-Atkins Museum of Art à Kansas City), est exposé dans son intégralité pour la première fois depuis 1956 à Paris. Ce triptyque sur lequel Monet travaille pendant près de 10 ans et qu’il considère comme « l’une de ses quatre meilleures séries », a joué un rôle décisif dans la reconnaissance du peintre aux États-Unis.
• La Grande Vallée de Joan Mitchell : un choix de dix tableaux de ce cycle (1983-84) est exceptionnellement rassemblé, quelques décennies après son exposition parcellaire à la galerie Jean Fournier, en 1984. L’un des ensembles les plus important de sa carrière, il se caractérise par une exaltation de la couleur qui se déploie sur toute la toile, créant un sentiment de vibration et d’allégresse picturale. La Grande Vallée XIV (For a Little While) [pour un petit moment], seul triptyque, d’un rythme différent, provoque un sentiment d’infini où le regard se perd.
1 « Le Monet de la dernière période », Art et Culture, [1956/1959], publié dans Clement Greenberg, Écrits choisis des années 1940. Art et Culture, Editions Macula, 2017, p. 250
Le passage visionnaire au grand format de Monet trouve ainsi un écho dans l’œuvre monumentale de Joan Mitchell. Le travail de celle-ci offre, à son tour, une lecture contemporaine des Nymphéas de Monet (1914-1926) dans les espaces conçus par Frank Gehry. ( ref image : Claude Monet, Nymphéas, 1916 – 1919 Huile sur toile, 200 × 180 cm Musée Marmottan Monet, Paris )
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Afin de faire découvrir et mieux connaître l’œuvre de Joan Mitchell par le grand public, en écho à l’exposition. « Monet - Mitchell », la Fondation Louis Vuitton présente, en collaboration avec le San Francisco Museum of Modern Art (SFMOMA) et le Baltimore Museum of Art (BMA), la plus importante rétrospective de Joan Mitchell en Europe depuis près de trente ans. Présentée dans les deux galeries du rez-de-bassin, elle réunit une cinquantaine d’œuvres sur 1000 m 2 , proposant une nouvelle version de l’exposition présentée aux Etats-Unis ces derniers mois avec des prêts spécifiques - entre autres du Centre Pompidou et du Musée du Monastère royal de Brou - que complètent une dizaine d’œuvres de la Collection de la Fondation Louis Vuitton. Si dans la première moitié des années 1950, Joan Mitchell prend part à la scène américaine marquée par l’Expressionisme abstrait, l’exposition démontre la singularité de sa peinture, caractérisée par l’intensité de sa palette, sa recherche toujours reconsidérée de la couleur et de la lumière et son rapport intime aux paysages : « I carry my landscapes around with me » [ Je porte mes paysages avec moi]. Nourri de souvenirs magnifiés par l’exercice de la peinture et de sentiments amplifiés par sa connaissance des grands maîtres modernes (Van Gogh, Cézanne, Matisse, Monet...), l’art de Mitchell trouve aussi ses sources et ses équivalences dans la musique et la poésie, comme le soulignent plusieurs documents présentés ici.
La rétrospective s’attache à la vie et à l’œuvre d’une artiste désormais considérée comme l’une des voix les plus vives de la peinture dans la seconde moitié du XXe siècle. Suzanne Pagé, commissaire générale de l’exposition - qui organisa en 1982 la première exposition de l’artiste dans un musée français - note que sa peinture est la « quintessence de l’abstraction sur un mode totalement singulier par son paradoxe même, ma peinture est abstraite, disait l’artiste, mais c’est aussi un paysage ». Figure de la scène new-yorkaise dès le début des années 1950, Joan Mitchell dialogue avec Franz Kline, Willem de Kooning... Elle développe une œuvre gestuelle, vibrante, mais déjà marquée par son rapport privilégié avec la peinture européenne du tournant des XIXe et XXe siècles et sa sensibilité toute particulière à la poésie.
L’exposition se développe au fil des grands cycles réalisés dans son pays de naissance, puis dans sa ville d’accueil, Paris. Elle s’y installe définitivement en 1959, avant de trouver, en 1968, dans sa maison de Vétheuil le lieu à l’unisson de son œuvre. D’abord célébrée par une peinture solaire, incandescente, Vétheuil devient synonyme de ses grands polyptyques des années 1970, tel Chasse interdite (1973) appartenant au Centre Pompidou puis des années 1980, à la mesure de No Birds [Pas d’oiseaux] (1987-1988) hommage à Van Gogh ou South [Sud] (1989), sa version de la Sainte Victoire de Cézanne, chef-d’œuvre de la Collection de la Fondation Louis Vuitton. (REF IMAGE : Joan Mitchell, La Grande Vallée, 1983 Huile sur toile, 260.4 x 200 cm Fondation Louis Vuitton, Paris © The Estate of Joan Mitchell Photo : © Primae / Louis Bourjac )
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