JACQUES MONORY FONDATION MAEGHT SAINT PAUL DE VENCE

MUSEES - FONDATIONS - INSTITUTIONS

La Fondation Marguerite et Aimé Maeght rouvre au public le 1er juillet 2020. Les conditions nécessaires pour recevoir les visiteurs en toute sécurité seront mises en place.

L’exposition consacrée à Jacques Monory, initialement prévue du 28 mars au 14 juin, sera présentée au public durant l’été et jusqu’au 22 novembre 2020. La Fondation Maeght a choisi de repenser sa programmation, en présentant cette exposition qui devait ouvrir ses portes au printemps. Cette exposition sera accompagnée d’un choix d’œuvres de la collection de la Fondation Maeght. L’exposition Les Giacometti : une famille de créateurs est reportée à l’été 2021.

Première exposition monographique de Jacques Monory depuis sa disparition en 2018, l’exposition proposée par la Fondation Maeght retrace soixante ans de carrière et revisite l’œuvre d’un artiste majeur de la Figuration Narrative constamment tendu par la modernité et la singularité de ce bleu qui l’a rendu célèbre. Cette exposition propose un parcours non chronologique tentant de faire jouer à plein, d’une salle à une autre, les échos et les écarts de cette œuvre singulière.

Forte d’une collection de 13 000 œuvres, la Fondation Maeght propose également cet été une sélection de quelques œuvres majeures de sa collection pour permettre au public de retrouver les artistes tels que Joan Miró, Alberto Giacometti, Alexander Calder, Marc Chagall, Pierre Bonnard, Fernand Léger, …

JACQUES MONORY
Fondation Maeght (Saint-Paul de Vence)
Guest curator: Laurence d’Ist, art historian, author and exhibition curator.

Commissaire invitée : Laurence d’Ist, historienne de l’art, auteure et commissaire d’expositions.

Simply entitled “Jacques Monory”, the exhibition presents sixty years of his career and revisits the work of this major Figuration Narrative artist, in constant tension between modernity and the singularity of the blue that made him famous.

Intitulée simplement « Jacques Monory », l’exposition présente soixante ans de carrière et revisite l’oeuvre de cette figure majeure de la Figuration narrative, constamment tendu par la modernité et par la singularité de ce bleu qui l’a rendu célèbre.

Out of all the Figuration Narrative painters, Monory was no doubt the only one to be fully narrative. Sometimes hyperrealist, the enigmatic scenes that he painted and juxtaposed to form a sort of haunted diary of a painter who questioned the world’s reality every day. The blue that made him famous, whether monochrome or with other colors
in the spectrum, is the color of this doubt. It acts as a dreamlike veil and establishes a certain distance.

De tous les peintres dits de la Figuration narrative, Monory aura sans doute été le seul à être pleinement narratif. Parfois hyperréalistes, les scènes énigmatiques qu’il peint et qu’il juxtapose forment comme le journal de bord hanté d’un peintre qui chaque jour s’interroge sur la réalité du monde. Le bleu qui l’a rendu célèbre, qu’il soit monochrome,
ou qu’il accueille d’autres couleurs du spectre, est la couleur de ce doute. Il agit comme un voile onirique et comme une mise à distance.

Portrait de Jacques Monory © Photo Jean Larivière.

Portrait de Jacques Monory
© Photo Jean Larivière.

MONORY La Voleuse n° 1, 1985. Huile sur toile, 170 x 340 cm. Photo Jacques Monory.
MONORY La Voleuse n° 1, 1985. Huile sur toile, 170 x 340 cm. Photo Jacques Monory.

Borrowing from the cinema – and notably the thrillers of the 1950s – as well as from photography and imaging, Monory’s painting, frequently in large formats and often including objects, forms a sort of accelerated carrousel, sometimes with nearly ecstatic stasis: urban landscapes and wide expanses of nature, romantic visions and dramatic images from the news or contemporary history alternate with each other or come together. Fundamental pessimism, tinted with dark humor, coexists with a fascination for the void.

Empruntant au cinéma – et notamment aux thrillers des années cinquante – comme à la photographie et à l’imagerie, les peintures de Monory, fréquemment de grand format et qui incluent aussi souvent des objets, forment comme une sorte de manège accéléré, avec parfois des stases presque extatiques : y alternent ou s’y combinent des paysages urbains et de grandes étendues de nature, des visions romantiques et des images dramatiques venant de l’actualité ou de l’Histoire contemporaine. Un pessimisme fondamental, teinté d’humour grinçant, y coexiste avec une fascination pour le vide.

Monory does not give any lessons, he questions himself and he questions us: how do we live in a violent, unreasonable, illogical, surprising and often fake world? His painting, which reflects a modernity whose violence he conjures up by letting it run wild, comes back to us today like a slap upside the head, like a very long film from which we would like to be able to isolate each frame while letting ourselves get swept away by the power of his merciless editing

Monory ne donne pas de leçon, il s’interroge et nous interroge : comment vivre dans un monde violent, déraisonnable, illogique, surprenant et souvent faux ? Sa peinture, qui se fait l’écho d’une
modernité dont il conjure la violence en lui donnant libre cours, nous revient aujourd’hui en pleine face, comme un très long métrage dont on aimerait pouvoir isoler chaque plan tout en se laissant emporter par la puissance d’un montage impitoyable.

MONORY Pompéi, 1971. Huile sur toile, 195 x 390 cm. Photo Claude Germain – Archives Fondation Maeght.
MONORY Pompéi, 1971. Huile sur toile, 195 x 390 cm. Photo Claude Germain – Archives Fondation Maeght.

The "Jacques Monory" exhibition presents the impressive continuity of sixty years of his career, constantly under the strain of contemporaneity. Organized by Laurence d’Ist, curator of the exhibition and art historian, this overview follows a non-chronological path that attempts, from one room to the next, to make the most of the echoes of and deviations from this singular work.

L’exposition « Jacques Monory » présente à travers soixante ans de carrière la continuité saisissante d’une oeuvre constamment tendue par la contemporanéité. Organisée par Laurence d’Ist, commissaire de l’exposition et historienne de l’art, cette traversée se fait le long d’un parcours non chronologique, mais qui tente de faire jouer à plein, d’une salle à une autre, les échos et les écarts de cette oeuvre singulière.

Monory is considered to be the most narrative of the Narrative Figuration painters. The painter uses photographs from his private life, from press and from 1950s’ American cinema (thrillers and films noirs) to compose his paintings in connection with daily and urban life. He uses the iconography of society and its media to reveal his questionings. Under autobiographical fiction, the painting delivers his pessimistic-realistic-tragic-comic vision of the world.

Monory est considéré comme le plus narratif du groupe de la Figuration narrative. Le peintre utilise les photographies de sa vie privée, de la presse et du cinéma américain des années 1950 (thrillers et films noirs), pour composer ses peintures en connexion avec la vie quotidienne et urbaine. Il emploie l’iconographie de la société et de ses médias pour révéler ses interrogations. Sous la fiction autobiographique, le peintre livre sa vision pessimiste-réaliste-tragi-comique du monde.

Monory Couleur N° 1, 2002. Huile sur toile, affiche de cinéma « Gun Crazy » de J.H. Lewis et plexiglas, 160 x 300 cm. Photo Jacques Monory.
Monory Couleur N° 1, 2002. Huile sur toile, affiche de cinéma « Gun Crazy » de J.H. Lewis et plexiglas, 160 x 300 cm. Photo Jacques Monory.

Monory appears in documentary films wearing a hat and with his face concealed by large, slightly tinted glasses. He presents himself as he appears in his paintings: always dressed elegantly like a gangster who has escaped from a film noir. Monory has a cinematic elegance that hides the self-mockery of a man who knows that he knows nothing, that he never knows but often feels!

Monory apparaît dans les films documentaires coiffé d’un chapeau et le visage mangé par de grandes lunettes légèrement teintées. Il se présente comme il apparaît dans sa peinture : toujours vêtu élégamment comme un gangster échappé d’un film noir. Monory a une élégance cinéphile qui dissimule l’autodérision d’un homme qui sait qu’il ne sait rien, qu’il ne sait jamais mais qu’il ressent souvent !

He explains the origin of monochrome blue by a childhood memory, when, while watching an outdoor movie, the projectionist slipped a blue filter over the black-and-white film to evoke night-time, and a yellow filter for daytime scenes. The dreamlike feeling that this nocturnal blue stirred in the young Monory marked a whole period of his painting, having an effect like Proust’s madeleine.

Il explique l’origine du bleu monochrome par un souvenir d’enfance, quand, au cours de la séance de cinéma en plein air, le projectionniste glissa un filtre bleu devant le film en noir et blanc pour évoquer la nuit, et un filtre jaune pour les scènes de jour. L’impression d’onirisme magique produite chez le jeune Monory par ce bleu nocturne marque durant toute une période sa peinture en y fonctionnant comme la madeleine de Proust.

The painter draws the arrangement of the photographs he has selected on a large pad. Then, he plunges his studio into darkness and, using a projector, he transfers the major lines of the photograph onto the canvas. He paints whilst retaining the freedom to interpret the image, which retains the attributes of our communicative and media-centric era: a smooth, superficial image, erased of its details.

Le peintre dessine l’agencement des photographies qu’il a sélectionnées sur un grand carnet. Puis, il plonge son atelier dans le noir et à l’aide d’un projecteur, il reporte sur la toile les grandes lignes de la photographie. Il peint en conservant la liberté d’interpréter l’image, qui conserve les attributs de notre époque communicante et médiatique : une image lisse, en surface et gommée de ses détails.

MONORY Opéra furia « A » n°8, 1975. Huile sur toile, 195 x 342 cm. Photo Augustin de Valence.
MONORY Opéra furia « A » n°8, 1975. Huile sur toile, 195 x 342 cm. Photo Augustin de Valence.
From his love for a certain type of auteur cinema to the strong contrasts of black and light, Monory will draw out the need he feels to release the painting from the frame. Sometimes he incorporates mirrors into his compositions, sometimes he shoots real bullets into his canvases. The painting is no longer a smooth surface, conducive to contemplation, but instead becomes an invitation to action, with the participation of the spectator who is reflected in it and physically involved in the scene represented: the bullet holes give the impression that the action has only just happened. The tempo suggested in his paintings is as hectic as the images that scroll across movie screens.
Often, objects are attached to his paintings (hat, revolver, target, socket, grating, neon light, drape, rope and also film poster). The object is used to provide a connection between the real world and his representation and allows the viewer to enter the canvas more easily and to follow the artist’s imagination.
De son amour pour un certain cinéma d’auteur, aux forts contrastes de noir et de lumière, Monory va tirer la nécessité qu’il ressent de sortir la peinture du cadre. Tantôt, il intègre des miroirs à ses compositions, tantôt, il tire dans ses tableaux à balles réelles. La peinture n’est plus une surface lisse, propice à la contemplation, mais devient une invitation à l’action, avec la participation du spectateur qui s’y reflète et se trouve physiquement impliqué dans la scène représentée : les impacts de balles donnent l’impression que l’action vient de se produire. Le tempo suggéré dans ses toiles est aussi trépidant que les images qui défilent sur les écrans de cinéma. Des objets se trouvent souvent fixés sur ses tableaux (chapeau, revolver, cible, douille, grillage, néon, drapé, corde mais aussi affiche de cinéma…). L’objet sert de jonction entre le monde réel et sa représentation et permet au spectateur d’entrer plus facilement dans la toile et de suivre l’imaginaire de l’artiste.

The works collated in the Fondation Maeght come from numerous series of paintings by Jacques Monory, which are presented like the logbook of his existence.

Les oeuvres réunies à la Fondation Maeght proviennent des nombreuses séries de peintures de Jacques Monory qui se présentent comme le journal de bord de son existence.

MONORY Death Valley n°1, 1974. Huile sur toile et toile sensibilisée (gravure Le Chevalier et la Mort, Albrecht Dürer), 170 x 490 cm. Photo Augustin de Valence.
MONORY Death Valley n°1, 1974. Huile sur toile et toile sensibilisée (gravure Le Chevalier et la Mort, Albrecht Dürer), 170 x 490 cm. Photo Augustin de Valence.

The exhibition opens with a series of paintings from the series Meurtres (Murders, 1968) which made him famous. The painter uses the climate of movies to produce himself, where in the beginning he is hit by the gun pointed at him by a female hand. The sentimental injury of separation is covered in a cinematic way.

L’exposition s’ouvre par une série de peintures de la série Meurtres (1968) qui le rendit célèbre. Le peintre utilise le climat du film noir et de série B pour se mettre en scène, où au commencement, il est atteint par l’arme braquée sur lui par une main féminine. La blessure sentimentale de la séparation est traitée de manière cinématographique.

In the paintings of the ensuing series, Velvet Jungle and Mesure, Monory attempts to ward off the fear of death. In Dreamtiger, he continues his quest by identifying with the instinct of caged tigers and returns to the reality of the world by cataloging social violence and passion in Les Premiers numéros du catalogue mondial des images incurables. The consequence is a solitary escape across the American vastness of Death Valley.

Dans les peintures des séries suivantes, Velvet Jungle et Mesure, Monory tente de conjurer la peur de la mort. Dans Dreamtiger, il poursuit sa quête en s’identifiant à l’instinct des tigres en cage, et revient à la réalité du monde en inventoriant la violence et la passion sociales dans Les Premiers numéros du catalogue mondial des images incurables.
Avec pour conséquence une échappée solitaire à travers l’immensité américaine de Death Valley.

Monory meets high society in the Opéras glacés series, where he combines with virtuoso his pessimism and the tragicomedy of the show. In the next series, Technicolor, he continues the ironic and grating criticism of the world of Hollywood. With this series, he uses blue, pink and yellow for the first time, worked as “toxic colors”. He rids himself of this fascinating world that he doesn’t like through discovering a sort of metaphysical escape in Ciels. He restores himself with German romanticism, paying Homage to Caspar David Friedrich, and the sentimental cinema of his childhood, where people die of love and heroism and are reborn as flowers, in paintings like Pour Nicolas (regalillo), Baiser n°19, Tv Canal n°12, Jardinage n°17, etc.

Monory rencontre la haute société dans la série Opéras glacés, où il mêle de manière virtuose son pessimisme à la tragicomédie du spectacle. Dans la série suivante, Technicolor, il poursuit la critique ironique et grinçante du monde hollywoodien. C’est avec cette série qu’il utilise pour la première fois le bleu, le rose et le jaune, travaillés comme « des couleurs toxiques ». Puis, il se débarrasse de ce monde fascinant qu’il n’aime pas en trouvant, dans les Ciels, une sorte d’évasion métaphysique. Il se ressource auprès du romantisme allemand en rendant un Hommage à Caspar David Friedrich et auprès du cinéma sentimental de son enfance où l’on meurt par amour et héroïsme, pour renaître comme les fleurs, dans des peintures comme Pour Nicolas (regalillo), Baiser n° 19, Tv Canal n° 12, Jardinage n° 17…

MONORY Mesure n°2 A, 1972. Huile sur bois et sur toile, 162 x 228 cm. Photo Jacques Monory.
MONORY Mesure n°2 A, 1972. Huile sur bois et sur toile, 162 x 228 cm. Photo Jacques Monory.
Each series is an autobiographical fiction insofar as Jacques Monory delivers his vision of the world. The scenes appear to be narrative, the composition is said to be “cinematographic”, the truth of the representations is drawn from photographs and objects and yet, he creates a climate that suspends the agitation of the compositions by using juxtapositions in a form of collage. He explains: “The principle is to take two images, to put them together and to mentally create a third.” He is not seeking “painting for the sake of painting, or painting that wants to become crazy about photographic realism”. “I think”, he adds, “that it’s the vibration that interests me: it’s the trembling of thought in front of the image”.
Chaque série est une fiction autobiographique, dans la mesure où Jacques Monory y livre sa vision du monde. Les scènes semblent narratives, la composition est dite « cinématographique », la véracité des représentations est tirée de photographies et d’objets et pourtant, il crée un climat qui suspend l’agitation des compositions en recourant à des juxtapositions relevant d’une forme de collage. Il explique : « Le principe consiste à prendre deux images, à les rapprocher et à en créer mentalement une troisième. » Il ne recherche « ni la peinture pour la peinture, ni la peinture voulant devenir folle de réalisme photographique ». « Je crois, ajoute-t-il, que c’est la vibration qui m’intéresse, c’est le tremblement de la pensée devant l’image ».
MONORY Baiser n°19, 2001. Huile sur toile, 50 x 50 cm. Photo Jean-Louis Losi. 
MONORY Baiser n°19, 2001. Huile sur toile, 50 x 50 cm. Photo Jean-Louis Losi.

Monory uses images to liberate the mental filiations that nourished him. Among others, the Stoic philosophy that he read and read again, a lot. Seneca and Epictetus remained his bedside authors throughout his life, to the point that one may wonder whether the images drawn from cinema, current affairs or his life, are used, in some way, to stage the lessons of the Stoic philosophers.

Monory utilise les images pour libérer les filiations mentales qui l’ont nourri. Entre autres, la philosophie stoïcienne qu’il a beaucoup lue et relue. Sénèque et Épictète restent ses auteurs de chevet tout au long de sa vie, au point que l’on peut se demander si les images tirées du cinéma, des actualités ou de sa vie, ne servent pas, d’une certaine façon, à mettre en scène les leçons des stoïciens.

The representation of catastrophes viewed through the painted filter of a broken window in Peinture à vendre n°49, but also the gradual erasure of the explosion reproduced four times in Explosion, or the reverse repetition of the image in Noir n°9, can be understood as operations to distance the facts in order to suspend judgment. Thus, Monory seems to translate into painting the advice of Epictetus: “If you once gain time and delay, you will more easily master yourself.”

La représentation de catastrophes vues à travers le filtre peint d’une vitre brisée dans Peinture à vendre n°49, mais aussi l’effacement progressif de l’explosion reproduite quatre fois dans Explosion, ou la répétition inversée de l’image dans Noir n°9, peuvent être compris comme des opérations de mise à distance des faits propres à suspendre le jugement. Ainsi, Monory semble traduire en peinture les conseils d’Épictète : « Si une fois tu gagnes du temps et quelques délais, tu deviendras plus facilement maître de toi-même. »

MONORY Peinture à vendre n°49, 1988. Huile sur toile et photographie, 162 x 114 cm. Photo Fabrice Robin
MONORY Peinture à vendre n°49, 1988. Huile sur toile et photographie, 162 x 114 cm. Photo Fabrice Robin.

His journeys to the United States allowed him to clarify his approach. The American culture of the object, the vastness of the landscapes and the experimental freedom of the New York artistic scene find a form of response in Monory. By shooting real bullets into his painting, he creates provocation. The artist symbolically kills the painting of the past in order to be able to exist.

Les voyages qu’il effectue aux États-Unis lui permettent de clarifier sa démarche. La culture américaine de l’objet, l’immensité des paysages et la liberté expérimentale de la scène artistique new-yorkaise trouvent une forme de réponse chez Monory. En tirant à balles réelles dans sa peinture, il joue à la provocation. L’artiste tue symboliquement la peinture du passé pour pouvoir exister.

MONORY Hommage à Casper David Friedrich n°2, 1975. Huile sur toile, 162 x 228 cm. Photo Galerie Maeght, Paris.
MONORY Hommage à Casper David Friedrich n°2, 1975. Huile sur toile, 162 x 228 cm. Photo Galerie Maeght, Paris.
In the ironic work Technicolor n°1 (Monet est mort), Monory shoots the principle of the impressionists who paint “on motif”, by piercing the black case positioned in the middle of a clearing painted in shades that are overly spring-like. In fact, the painting is taken from a black-and-white photograph, taken on the day that Monory set up in the woods to put two bullets through each case in the series of the artist’s books he made for “La Victoire à l’ombre des ailes” by the writer Stanislas Rodanski (1975). Irony is accompanied with a certain self-mockery, because the flowered clearing treated with touches of color recalls the impressionists... And the circular arc shape evokes the target and the case the center of the target. Thus, the painter exposes himself symbolically to the eyes of the spectator, but also to the “shots” of some of the critics of the time who reproached him for not painting as one should, in other words being too focused on the image and not enough on the pictorial matter of the painting. In fact, Monory’s painting is “flat”, insofar as the pictorial matter is physically slender. This is because the emotional neutrality of blue, which equates to an almost conceptual principle, and the realism of figuration complement each other in the superficiality of the oil painting. He explains his position: “For example, concerning portraits, let’s say the representations of real people in my paintings, I finally decided never to damage the model’s face. I did the opposite of most modern painters who put sight before thought. I wanted to be conceptual without the boredom of being conceptual.” In fact, each of the artist’s paintings underpins the essential question that he asks all the time: “What is contemporary art?”
Dans l’oeuvre ironique Technicolor n°1 (Monet est mort), Monory fusille le principe des impressionnistes qui peignent « sur le motif » en perçant la valise noire placée au milieu d’une clairière aux teintes trop printanières... En fait, la peinture est tirée d’une photographie en noir et blanc, prise le jour où Monory s’est installé dans les bois pour transpercer de deux balles chaque valise que compte la série du livre objet qu’il a réalisé pour « La Victoire à l’ombre des ailes » de l’écrivain Stanislas Rodanski (1975). L’ironie s’accompagne d’une certaine autodérision, puisque la clairière fleurie traitée par touches de couleurs rappelle justement les impressionnistes… et que sa forme en arc de cercle évoque la cible et la valise, le centre de la cible. Ainsi, le peintre s’expose symboliquement aux regards des spectateurs mais aussi aux « tirs » d’une partie de la critique de l’époque qui lui reproche de ne pas peindre comme il faut, c’est-à-dire d’être trop dans l’image et pas assez dans la matière picturale de la peinture.
De fait, la peinture de Monory est « plate », dans la mesure où la couche picturale est physiquement mince. C’est que la neutralité émotionnelle du bleu, qui équivaut à un principe quasi conceptuel, et le réalisme de la figuration se complètent dans la superficialité de la peinture à l’huile. Il explique sa position : « Par exemple, en ce qui concerne les portraits, disons les représentations de personnes réelles dans mes tableaux, j’ai fini par décider de ne jamais abîmer le visage du modèle. J’ai pris l’envers de l’attitude de la plupart des peintres modernes qui faisaient passer la vue avant la pensée. Je voulais être conceptuel sans l’ennui des conceptuels. » En effet, chaque peinture de l’artiste sous-tend la question primordiale qu’il se pose tout le
temps : « Qu’est-ce que l’art contemporain ? »

Monory finds ways to express his ideas using the world of cinema, shades of blue that plunge the scenes into an American night, and the special effects produced by shooting and objects. His painting can be recognized as “a Monory” at first glance.

Monory trouve les moyens d’exprimer ses idées, en utilisant le climat du cinéma, les camaïeux de bleus qui plongent les scènes dans une nuit américaine et les effets spéciaux produits par les tirs et les objets. De fait, sa peinture se reconnaît au premier coup d’oeil comme « un Monory ».

MONORY Image incurable n°23. Méthode d’étude dactylographique, 1973. Huile sur toile, 114 x 162 cm. Photo Augustin de Valence.
MONORY Image incurable n°23. Méthode d’étude dactylographique, 1973.
Huile sur toile, 114 x 162 cm. Photo Augustin de Valence.

The artist combines his romantic visions with dramatic images of current affairs. His fundamental pessimism is coupled with thought nourished by philosophy. But without denouncing, without judging, he invites the viewer to take the necessary distance from himself. The poet and art critic, Alain Jouffroy, said about these incurable images that they “can serve as a model for our thinking to begin to understand what’s happening to us […]”

His works have lost none of the breath of anxiety and hope that they still arouse today.

L’artiste mêle ses visions romantiques à des images dramatiques de l’actualité. Son pessimisme fondamental se double d’une pensée nourrie de philosophie. Mais sans dénoncer, sans juger, il invite le regardeur à prendre la distance nécessaire avec lui-même. Le poète et critique d’art Alain Jouffroy disait de ces images incurables qu’elles « peuvent nous servir de modèle de réflexion pour commencer à saisir ce qui nous arrive […] »

Ses oeuvres n’ont rien perdu du souffle d’inquiétude et d’espoir qu’elles suscitent toujours aujourd’hui.

Born in Paris on June 25, 1924, Jacques Monory went to the école des Arts Appliqués of Paris and then worked for ten years with his publisher friend, Robert Delpire. He gave his artistic view of the first editions of photographs by authors such as William Klein, Robert Frank and Henri Cartier-Bresson. He never stopped painting and exhibited his work in Paris starting in 1955. In the early 1960s, at the time when Pop Art was taking off in the United States, Jacques Monory placed human history and his own life back in the center of his paintings. He did not work based on nature, but sought inspiration in literature, the cinema and current events to compose often large format paintings that reflected his times like so many shattered mirrors.
Né à Paris le 25 juin 1924, Jacques Monory entre à l’école des Arts appliqués de Paris, puis travaille pendant dix ans avec son ami Robert Delpire, éditeur. Sans cesser de peindre, il apporte son regard artistique aux premières éditions de photographies d’auteurs comme William Klein, Robert Frank ou Henri Cartier-Bresson. Il ne cesse de peindre et expose à Paris à partir de 1955. Au début des années 1960, au moment où se développe le Pop art aux États-Unis, Jacques Monory remet l’histoire humaine et sa propre vie au centre de ses tableaux.
Il ne travaille pas d’après nature, mais puise dans la littérature, le cinéma, l’actualité pour composer des tableaux, souvent de grandes dimensions, qui renvoient à son époque comme des miroirs brisés.
MONORY Dreamtiger n°4, 1972. Huile sur toile, 195 x 200 cm.  Photo Claude Germain – Archives Fondation Maeght.
MONORY Dreamtiger n°4, 1972. Huile sur toile, 195 x 200 cm.
Photo Claude Germain – Archives Fondation Maeght.
Invited to take part in the exhibition “Mythologies Quotidiennes” (Everyday Mythologies) at the city of Paris’ Museum of Modern Art in 1964, prefiguring the Figuration Narrative movement, Jacques Monory took his place in art history. The series Meurtres (Murders) in 1968 has remained a major series and is considered to be the most narrative of all, with its disturbing atmospheres and the use of his romantic blue – which he called the expression “of impossible desire” and of “keeping a distance from the world”. His work bears witness to his passion for the cinema and notably for the environment of film noir, in which “symbolic human interest stories” are played out in freeze frames fueled by an iconography taking inspiration from his travels in the United States, made up of cars, revolvers, women, etc.
Invité à participer au musée d’art moderne de la ville de Paris à l’exposition « Mythologies quotidiennes » en 1964, préfiguration du mouvement de la Figuration narrative, Jacques Monory entre dans l’histoire de l’art. La série des Meurtres en 1968 reste une série majeure et l’inscrit comme le plus narratif de tous, avec ses atmosphères inquiétantes et l’utilisation de ce bleu romantique - expression selon lui « du désir impossible » et de la « mise à distance du monde ». Son oeuvre témoigne de sa passion pour le cinéma et particulièrement pour le climat des films noirs, où se jouent par arrêt sur images, des « faits divers symboliques » nourris d’une iconographie inspirée de ses voyages aux États-Unis et composée de voitures, de revolvers, de femmes…
In 1975, he came to the Maeght Gallery in Paris, showing his Opéras Glacés (Frozen Operas) in 1976, then Technicolor and Ciels (Skies), before being invited to the Venice Biennale in 1986. In 1992 he participated in the French Pavilion at the Universal Exposition of Seville. In 2004, he had a show at the Fondation Claudine et Jean-Marc Salomon in Alex, near Annecy. In 2005, the MAC VAL in Vitry-sur-Seine dedicated its inaugural exhibition to him. In 2009, the Fondation Maeght featured him with the “Tigre“ exhibition, then in 2014, the Fonds Hélène et Edouard Leclerc pour la Culture (Hélène et Edouard Leclerc Fund for Culture) in Landerneau, Brittany, also dedicated a major retrospective to him. Personal exhibitions were also presented elsewhere in France, but also in Belgium, Austria, Great Britain, Switzerland, Spain and the United States up until 2018. In 2019, he was present at major collective exhibitions at the Mac Val in Vitry-sur-Seine, the City of Paris’ Museum of Modern Art and the CAPC in Bordeaux. The Fondation Maeght is paying tribute to this major artist in 2020 with the first personal exhibition since his death on 17 October 2018.
MONORY Technicolor n°8, 1977. Huile sur toile, 150 x 150 cm. Photo Galerie Maeght, Paris.
MONORY Technicolor n°8, 1977. Huile sur toile, 150 x 150 cm. Photo Galerie Maeght, Paris.
En 1975, Il entre à la galerie Maeght de Paris, y expose les Opéras Glacés en 1976, puis Technicolor et Ciels, avant d’être invité à la Biennale de Venise en 1986. En 1992, il participe à l’Exposition universelle de Séville dans le Pavillon français. En 2004, il expose à la Fondation Claudine et Jean-Marc Salomon à Alex près d’Annecy. En 2005, le MAC VAL de Vitry-sur-Seine lui consacre son exposition inaugurale. En 2009, la Fondation Maeght le met à l’honneur avec l’exposition « Tigre », puis en 2014, le Fonds Hélène et Edouard Leclerc pour la culture à Landerneau lui consacre également une rétrospective importante.
Des expositions personnelles sont également présentées ailleurs en France mais aussi en Belgique, Autriche, Grande-Bretagne, Suisse, Espagne et aux États-Unis jusqu’en 2018. En 2019, il est présent dans d’importantes expositions collectives au Mac Val de Vitry-sur-Seine, au Musée d’Art moderne de la ville de Paris et au CAPC de Bordeaux. La Fondation Maeght rend hommage en cette année 2020 à ce grand artiste avec la première exposition personnelle depuis sa disparition le 17 octobre 2018.
MONORY Ciel n°36, les débris d’une étoile, nébuleuse de Crabe, oxygène, azote, hydrogène, électrons, 1979. Huile sur toile et objet, 150 x 230 cm. Photo Galerie Maeght, Paris.
MONORY Ciel n°36, les débris d’une étoile, nébuleuse de Crabe, oxygène, azote, hydrogène, électrons, 1979.
Huile sur toile et objet, 150 x 230 cm. Photo Galerie Maeght, Paris.

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HORAIRES D’OUVERTURE

La Fondation Maeght est ouverte tous les jours :

Septembre-Juin : 10h-18h / Juillet-Août : 10h-19h.

Dernière admission 1/2 heure avant la fermeture.

Fermeture exceptionnelle possible, merci de consulter

www.fondation-maeght.com  avant votre visite.

PRICES*

Full price: €16

Reduced price: €11 (groups of 10 people, children aged 10-18
and students with ID, press).

Free: children under 10, disabled people and members of the
Société des Amis

Audio guides for adults and children in French / English / Italian:
€3

Between two temporary exhibitions, some rooms may be closed
to the public. The price is reduced accordingly.

* As a private foundation receiving no public subsidy for its operations, the
Fondation Maeght is funded from its own resources, derived mostly from
ticket sales.

TARIFS*

Tarif plein : 16 €

Tarif réduit : 11 € (groupes + de 10 personnes, enfants de 10 à
18 ans, étudiants, presse, guides conférenciers. NB : un justificatif
sera demandé).

Gratuit : enfants moins de 10 ans, personnes handicapées et
membres de la Société des Amis

Audioguides version adultes et enfants français/anglais/italien :
3 €

Entre deux expositions temporaires, certaines salles peuvent
être fermées au public. Le tarif est réduit en conséquence.

* Fondation privée ne recevant aucune subvention publique pour son
fonctionnement, la Fondation Maeght s’autofinance par des ressources propres
principalement par les droits d’entrée.

INFORMATIONS ET RÉSERVATIONS / INFORMATION AND BOOKING

accueil(at)fondation-maeght.com

Réservation obligatoire pour les groupes de plus de 10 personnes

Reservation required for groups of more than 10 people.

Parking gratuit, boutique-librairie, café (ouvert selon saison)

Free parking, bookshop, coffee shop (open according to season)

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@fondationmaeght

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Conception graphique : Cat'com - Impression : Groupe Perfectmix-Photoffset

© Fondation Maeght 2020 / © droits réservés. © Jacques Monory / Adagp Paris 2020.

Crédits photographiques : Jacques Monory, Jean Larivière, Augustin de Valence, Galerie Maeght Paris, Claude Germain, Archives Fondation Maeght, Jean-Louis Losi, Fabrice Robin, Paul Louis.