Du mardi 3 mars au samedi 14 mars 2015
La Galerie Routes est heureuse de présenter la première exposition à Paris
de 25 dessins de Karl Beaudelère artiste autodidacte né à Marseille.
Vernissage : jeudi 5 mars de 18h à 21h
Galerie Routes
53 rue de Seine
75006 Paris - France
www.galerie-routes.com
contact[at]galerie-routes.com
+33 (0)1 46 34 71 80
« Et, regarde, voici, crispée atrocement,
La véritable tête, et la sincère face
Renversée à l'abri de la face qui ment
Pauvre grande beauté ! »
Charles Baudelaire Le Masque 1861
Repères
Éric Boyer est né à Marseille
1977 : Il découvre la poésie de Baudelaire, qui le passionne au point qu'il dit être son «entité». Il étudie les métiers de l'imprimerie et exerce ensuite divers métiers. 2006: Première sculpture en plexiglas.
2007: Adopte le pseudonyme de Karl Beaudelere.
2010 : Première exposition de dessins, Galerie La Poissonnerie (Marseille).
2011 : Exposition Galerie Anna Tschopp (Marseille). Il se fabrique un masque à partir de la cagoule d'un déguisement de Batman, et le porte dès lors quotidiennement. 2014: Exposition Galerie Anna Tschopp (Marseille).
2015 : Première exposition à Paris, Galerie Routes.
Article paru dans le n°125 du magazine Artension en 2014
Karl Beaudelere : À l'est d'Enfer
« Il n'est pas de plaisir plus doux que de surprendre un homme en lui donnant plus qu'il n'espère » : lorsque Charles Baudelaire écrit ces mots, dans Le spleen de Paris, il n'imagine pas combien un dessinateur marseillais - né 98 ans après la mort du poète parisien - puisera dans de telles phrases la force de sublimer l'existence. Et de devenir un artiste. Ô combien étonnant.
« L'artiste n'est artiste qu'à la condition d'être double et de n'ignorer aucun phénomène de sa double nature » dit encore le poète, dans ses Curiosités esthétiques. Pour l'homme qui se cache derrière le pseudonyme de Karl Beaudelere, cela a pris du temps, mais c'est fait ! Certes, à l'école primaire déjà, dessiner lui permettait de s'évader, loin du bruit et de la fureur qui régnaient au domicile familial. Éric s'imaginait être « venu de l'espace », malencontreusement éjecté de sa planète initiale. Gaucher, il admirait ses copains qui copiaient les bandes dessinées de Spiderman. Et son frère, qui lisait Baudelaire pour préparer son baccalauréat. Il se souvient aussi du jour où un professeur d'arts plastiques lui demanda de froisser une feuille de papier, puis d'imaginer une figure à partir des plis obtenus. « Quand on dessine, on cherche toujours des apparitions.» Il le sait, désormais. |
Patience et fulgurance |
Il a été orienté dans l'imprimerie, a travaillé dans le prêt à porter puis dans la restauration de bois doré. « Reboucher des trous, cela ne m'intéressait pas trop. Mais j'allais aux Puces le week-end et j'achetais des tableaux. Finalement je suis devenu brocanteur. » Agent de sécurité ensuite, la nuit, en écoutant la radio, Éric note une foule d'idées dans un petit cahier. « Je voulais trouver un plan pour fulgurer. J'ai d'abord créé un procédé, en 2006, que j'ai déposé à l'INPI, pour faire des sculptures en plexiglas. Je décomposais des images selon une logique quadrichromique, pour faire des sortes d'hologrammes sérigraphiés. Je voulais inventer un vitrail en trois dimensions, provoquer des sensations comme dans le film La guerre des étoiles... Je me suis retrouvé sans le sou. J'avais juste de quoi acheter des boites de stylos à billes au marché. Alors, à 43 ans, j'ai commencé à dessiner. J'ai pris le nom de Karl Beaudelere et j'ai eu l'idée de me masquer. Pour marquer le fait que je suis d'une autre caste.» Karl aime le mystère, la voyance, l'astrologie et la numérologie, qui lui permet d'échafauder des corrélations entre lui et... Baudelaire. Les autoportraits stupéfiants, qu'il trace depuis sept ans ? « Je voulais ne garder que les traits des formes, construire des sortes de squelettes. J'ai d'abord copié des images mais elles n'étaient jamais assez précises. Alors, je me suis regardé dans une glace, suspendue sous ma mezzanine, près de ma table, comme un cocon. Mon premier autoportrait a été celui d'un extra terrestre. Avec une antenne. Pour signifier : Je suis là mais je ne fais pas partie de vous. Je suis autre. » L'exercice s'est répété. Toujours plus dense. « L'accumulation des traits donne quelque chose de moins dur. J'ai voulu adoucir cet homme qui avait tant de poids sur lui. Il fallait qu'il soit davantage parmi nous. » |
Distorsions et contractions
À partir du motif de son oeil, Karl « pousse à droite, à gauche. Puis je monte, je descends. Cela provoque une distorsion.» Le visage étrange qu'il se donne ainsi, en passant un mois environ sur chaque image, finit par granuler le néant. « En dessinant, j'ai des contractures d'équilibristes. Certains grands formats, très fins, m'ont provoqué une grosse souffrance. S'appliquer à poser le stylo en douceur, cela suppose beaucoup de tension. Un coup posé trop fort peut tout détruire. »
Aujourd'hui ? Karl souhaite « continuer les autoportraits. Parce que chacun est différent. Cela signifie que l'histoire n'est pas finie. Je veux peindre aussi, faire de nouvelles sculptures holographiques, réaliser un disque, créer un groupe musical également, pour mettre la musique de Wagner sur les mots de Baudelaire. Et aussi, réaliser un courtmétrage de qualité concernant Karl Beaudelere. La force de cette sorte de Frankenstein mérite d'être romancée.»
Bizarre, vous dites bizarre ? Baudelaire a, c'est vrai, écrit aussi que « Le beau est toujours bizarre.»
Françoise Monnin