Istrati Dumitresco galerie Herve Courtaigne

Exposition d'art

Galerie Hervé Courtaigne
53 rue de Seine 75006 Paris
Tél : 01 56 24 23 00
www.galerie53.com/
contact[at]galerie53.com

Hervé Courtaigne /Max Fletcher
Istrati Dumitresco : dialectique universelle

Du 19 mai au 20 Juin 2015 

« …Il est évident que ces deux peintres et se complètent et s’opposent l’un l’autre d’une manière admirable » Eugène IONESCO

Année 1948 : fraichement arrivés en France, leur compatriote Brancusi réunit le couple dans un atelier de l’impasse Ronsin qui jouxte le sien. Les œuvres de cette époque indiquent clairement qu’ils partagent non seulement l’espace de l’atelier, mais aussi un style maitrisé très « Réalités Nouvelles » composé de lignes  sûres délimitant des à-plats de couleur franche, et les couleurs-même sortent à l’évidence du même pot, au point qu’en l’absence de signatures ou d’initiales salvatrices on hésiterait, sur telle ou telle de ces œuvres, à l’attribuer à l’un ou à l’autre.
C’est le début : les racines s’entremêlent, la souche est une.
Pourtant, déjà, dans certaines compositions d’Istrati, un frémissement d’impatience se traduit par une figure en déséquilibre.

 Alexandre Istrati huile sur toile de 1970 dim. 162 x 130 cm

Alexandre Istrati huile sur toile de 1970
dim. 162 x 130 cm

Puis rapidement les à-plats se décomposent en touches divisées qui créent une vibration directement liée au geste du peintre, et encore très rapidement, les lignes de cloisonnement se brouillent puis disparaissent,  le mouvement l’emportera sur la sagesse : au-dessus de la souche, l’arbre se divise. A Dumitresco la maitrise et presque la science, à Istrati le lyrisme du pur informel.

Car tandis que Istrati se laisse aller à libérer sa peinture,  Dumitresco suit son propre chemin que Ionesco caractérise comme «  l’apport de l’idée pure de l’ordre ». En cela Ionesco l’oppose à Istrati qui selon ses mots, opte pour le tourbillon.
Au-delà de cette remarque descriptive, l’origine de cette divergence esthétique est à rechercher dans la formation des deux artistes. 
Natalia Dumitresco huile sur toile de 1958 dim. 50 x 65 cm signée en bas à droite

 Natalia Dumitresco huile sur toile de 1958 dim. 50 x 65 cm signée en bas à droite

Dumitresco a suivi l’enseignement des Beaux-Arts de Bucarest, où elle a connu l’influence des émules de Malevitch. Si Dumitresco s’échappe de l’à-plat initial, c’est par l’allègement, voire la disparition des couleurs au profit du noir et blanc, et par la striure des compartiments. Mais à l’intérieur de formes irrégulières, cette striure elle-même est très régulière, et l’aboutissement de cette démarche sera après 1955 l’omniprésence relevée par le critique Gindertaël du quadrilatère dans sa peinture : « Elle se sert d’un réseau plus ou moins serré de quadrilatères enchevêtrés pour régulariser et affermir le libre cours de son invention plastique ». En fait, à bien les scruter,  certains tableaux de Dumitresco se révèlent être des compositions non seulement à base de quadrilatères, mais de carrés. Ah le fameux carré ! Mais chez Dumitresco il ne s’agit pas d’un post-suprématisme impossible dans les termes puisque le suprématisme est un aboutissement, mais de s’emparer d’une forme simple, de la tracer au trait, de la peindre en tache, de l’orienter, de la désorienter, de la faire se chevaucher, de la mettre en perspective, de la regrouper et disperser, au point de « faire naître une infinie possibilité » et d’avoir « toute la fraicheur d’une improvisation ».
Loin de là, bien qu’ils soient désormais installés dans des ateliers voisins mais distincts de la rue Sauvageot grâce au legs de Brancusi, la peinture d’Istrati s’enflamme et se déforme et les coloris se déchainent : des jaunes, des orange, des violets, des verts presque fluo, et les compositions jamais assagies, jamais semblables. Empâtements, dripping, dilution, tout est bon pourvu que ce soit nouveau. Istrati n’a pas eu d’abord une formation de peintre : c’est d’abord un juriste, donc un littéraire, pour lui l’inspiration prime, et il en use au point de dérouter le regard. Ionesco parle d’un Van Gogh de la non-figuration, par référence aux dernières œuvres du maitre, où « le monde semble brûlé par un soleil dément ».
La maturité apportera ses inflexions bien distinctes à ces deux trajectoires. Tandis que Dumitresco continuera à proposer des quadrilatères, mais cette fois-ci à plat, sur des fonds unis, regroupés en champs rectangulaires, en spirales, en étoile, Istrati pour sa part mettra du diluant dans son huile, et à son tour d’enchevêtrer non pas des carrés mais des bâtons, des cercles, par-dessus de mystérieux tracés organiques, toujours sans répétition, toujours sans repos.
Drôle de couple : destruction et incandescence chez l’un, proposition d’ordre pur chez l’autre, « En résumé, conclut Ionesco, ils réalisent les deux principes fondamentaux de la dialectique universelle ; ils incarnent ainsi les deux types fondamentaux de la psychologie humaine ».
Galerie Hervé Courtaigne
Avril 2015
 

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Patrick Reynolds
 

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