Hey ! Le dessin, Halle Saint-Pierre, Paris « Le dessin est père des trois arts… » -disait Giorgio Vasari. Pourtant pendant très longtemps il n’était considéré que comme une étape préparatoire, comme esquisse. Il n’y a pas longtemps même les grands collectionneurs des œuvres contemporaines, ainsi que les grands musées préféraient voir dans leurs collections des peintures, des sculptures et des installations au détriment des dessins. Heureusement il y avait toujours des amateurs d’art professionnels et particuliers avisés qui malgré le contre-courant ont défendu avec détermination et avec constance le dessin en le considérant comme art majeur. A nos jours grâce à eux l’attention de plus en plus de galeristes, muséologues et commissaires d’exposition se tourne vers cette magnifique discipline artistique. Après plusieurs expositions préalable La Halle Saint-Pierre en collaboration avec la revue Hey ! et sous le commissariat de Anne Richard récidive avec le Hey! Le dessin. A travers les œuvres de soixante participants venus de trente pays le visiteur peut découvrir la diversité du dessin dans le domaine technique, matériaux, style et motivation. Des dessins sur des feuilles d’arbre des soldats inconnus de la Grande Guerre, en passant par des dessins sur porcelaine de Sergei Isupov jusqu’aux œuvres à l’encre de chine rappelant à l’expressionisme allemande de Marcos Carrasquer ou des soucoupes volantes (OVNI ?) de couleurs vives en feutre de Ionel Talpazan, un large éventail montre la complexité et la diversité de ce moyen d’expression aussi ancien que l’humanité. A côté des dessins faits par des artistes formés dans des écoles des arts sont présents des œuvres des incarcérés japonais condamnées à mort, des malades dépressifs, des tatoueurs et des tagueurs. Ce qui m’a interpellé le plus c’étaient les dessins de Laurie Lipton dont j’ai jamais eu l’occasion de voir qu’en reproduction. Ils sont inspirés par les grands maîtres comme Dürer, Memling, Van Eyck Rembrandt et Goya, mais traitent les sujets contemporains. Laurie Lipton est née aux Etats Unis, où elle obtenu son diplôme des beaux-arts en dessin à l'Université Carnegie-Mellon en Pennsylvanie. Après avoir passé trente-six ans en Europe, notamment aux Pays-Bas, en Belgique, en Allemagne, au Royaume-Uni et en France, elle a retourné dans son pays natal. Avec un regard d’un quasi-étranger elle est devenue très critique envers la société américaine. |
Ecrits sur l'art
Par Martine Manfré Itzinger L’art est-il sexué ?
Depuis l’accrochage « Elles » de 2009 à Beaubourg, dédié aux femmes artistes (il s’agissait bien d’un accrochage des collections permanentes et non d’une exposition temporaire) je ne cesse de m’interroger : pourquoi distinguer les artistes ‘’femmes’’ et les singulariser par leur sexe ? L’artiste est avant tout artiste au travers de son art et non de son genre et il me semble que désigner les artistes par leur appartenance à un genre, en l’occurence parce qu’il est féminin et non masculin, plutôt que par leur art seul, est plus réducteur que valorisant. On se doit de remarquer que personne ne se sent obligé de préciser qu’il s’agit d’un artiste ‘’homme’’ lorsque l’on parle d’un artiste de sexe masculin. Alors pourquoi une telle sexualisation de l’art lorsqu’il s’agit d’oeuvres produites par une femme? Cette distinction n’est-elle pas une forme de stigmatisation? Si une oeuvre nous plait, nous plait-elle parce qu’elle a été produite par un homme? Par une femme? Ou par l’artiste qui a su nous émouvoir? Il faut faire beaucoup d’effort pour relever les noms des femmes peintres reconnues comme telles avant le XVIIème siècle. Dans les documents officiels du XIV au XVIIème siècles, il est possible de trouver des noms de femmes mais elles sont répertoriées comme «épouse d’artiste ou d’artisan parisien» mais non en tant qu’artiste. Au XIVème siècle, Boccace fait exception (1) et cite trois femmes, Martia, Timarète et Irène, pour leur activité artistique remarquée. Il faut ensuite attendre le XVIème siècle pour que Giorgio Vasari (2) fasse mention de Properzia de Rossi de Bologne comme une artiste remarquable (1490-1530), sculptrice de son état. On peut ensuite mentionner Artemisia Gentileschi (1593-1656) brillante peintre caravagesque comme artiste qui a largement marqué les esprits puis Rosalba Carriera (1675-1757), peintre vénitienne qui introduisit la mode du portrait au pastel en France. Deux femmes sont parvenues à passer le seuil de la prestigieuse Académie : Rosalba Carriera, reçue en 1720 sur demande de Louis XV et Elisabeth Vigée-Lebrun, admise en 1783. Properzia da Rossi, Joseph et la femme de Putiphar, |
Illya Répine (1844-1930) : Changer l’art ! Changer le monde ! Par Martine Manfré itzinger
MARY REYNOLDS. ARTISTE SURREALISTE ET AMANTE DE MARCEL DUCHAMP PAR CHRISTINE ODDO
Eduardo Carvalho un jeune artiste brésilien invité à exposer au Louvre ! par Martine Manfré itzinger
Hommage à Geneviève Asse par Martine Manfré-Itzinger
Hommage à Boltanski
Christian Boltanski nous a quitté ce 14 Juillet 2021. Lui qui, toute sa vie nous a parlé de la mort, il l’a finalement rencontrée. Cet artiste autodidacte, hanté par la shoah s’est questionné tout au long de son parcours sur les souvenirs, vrais ou inventés, le temps qui passe et finalement l’issue fatale qui le fascinait autant, sans doute, qu’il la craignait Avec ses murs entiers, de photos souvenirs, de boites métalliques, d’archive ou de gâteaux, de vêtements usagés comme des enveloppes vides mais aussi des souvenirs de vie, il nous conduisait à réfléchir sur la question du temps et la valeur des souvenirs. Ses installations captaient des instants qui ne lui appartenaient pas vraiment. Parfois instants heureux qui construisaient pour lui une vie imaginaire au travers des souvenirs des autres. Parfois souvenirs de l’horreur, qu’il n’a pas vraiment vécue, caché mais pas déporté. Il s’est sans doute considéré comme un survivant chanceux (mais pourquoi lui plutôt qu’un autre?) qui aurait préféré ne pas voir et qui ne pouvait s’empêcher de nous montrer...Pour ne jamais oublier. Boltanski m’a émue jusqu’aux larmes dès ma première confrontation, dans la Réserve du Musée des enfants I et II installée au sous sol du MAM de Paris, et que je ne manque jamais de revoir à chacune de mes visites dans ce musée. Depuis ce jour, fascinée par cet être unique, je n’ai eu de cesse de transmettre mon enthousiasme pour cet artiste tellement sensible mais aussi un brin provocateur, qui a même réussi à vendre ce qui lui restait de vie en viager! J’ai voulu rendre hommage à Christian Boltanski aujourd’hui, pour ce qu’il a été mais aussi pour ce qu’il m’a permis de devenir. Martine Manfré Itzinger |
Carlo Guarienti : L'artiste qui défie le temps… par Martine Manfré itzinger
Martine Manfré itzinger, Carlo Guarienti, Premières oeuvres : entre réalisme, métaphysique et surréalisme, Mémoire de DEA sous la direction de Philippe Dagen, Université Paris I Panthéon Sorbonne, Paris, 2000. Carlo Guarienti, Il problema della pittura, Rome, 1993, in Palazzo Sarcinelli, giornale della mostra, Conegliano. Carlo Guarienti est un peintre, graveur et sculpteur, né à Trévise en 1923, qui a commencé son travail artistique en 1953. Bien connu sur la scène artistique en Italie, il l'est aussi à l'international et est toujours actif, à 98 ans. Il est considéré comme un maître de l'art italien du XXe siècle. Hors de tout tapage médiatique, les expositions de Carlo Guarienti sont fréquentées par un public fidèle et éclairé. Les expositions personnelles ne manquent pas dans les musées et galeries italiens mais aussi à Paris, Bruxelles, Amsterdam, Genève, Zurich et Londres. (2) Sa production est abondante et régulière et, si sa facture a évolué, le thème récurent de son travail est resté le même. Il mène depuis toujours une réflexion sur le passage du temps et sa perception au travers de la mémoire. Il ne s'agit pas seulement de sa mémoire personnelle mais aussi de la mémoire intrinsèque véhiculée par les objets. Chaque oeuvre se lit sous le prisme du temps qui s'exprime de différentes manières : les maitres renaissants ou flamands sont revisités par le peintre, les objets s'associent de manière anachronique, les figures se métamorphosent en monstres inquiétants, la surface picturale se constitue de strates chronologiques et devient palimpseste. Le mode de représentation et les techniques employées s'adaptent à la démarche intellectuelle, quasi obsessionnelle. Guarienti s'est toujours refusé à livrer tout élément biographique le concernant. Sans doute considère-il que sa peinture parle d'elle même. Mais le décryptage n'en est pas si aisé et l'oeuvre mérite que l'on s'y attarde. Né à Trévise en 1923, Carlo Guarienti est issu d'une famille très cultivée qui ne s'oppose pas à sa carrière de peintre mais exige de lui l'obtention d'un diplôme "sérieux" avant d'embrasser la carrière artistique. Il s'exécute et devient donc médecin mais n'exercera jamais. Sa connaissance du corps humain et son intérêt pour la psychanalyse et la philosophie s'avéreront utiles pour construire son oeuvre où la figure humaine jouera un rôle non négligeable. A l'âge de quinze ans il découvre l'argile et façonne ses premières sculptures et à vingt ans il dessine et peint déjà. Toutefois ce n'est qu'après la guerre qu'il se familiarise avec la peinture des grands maîtres, non plus dans les livres mais dans les musées. Il se souvient en effet que durant cette période, du fait de la montée du fascisme sous Mussolini puis de la guerre, «les musées étaient fermés et les fresques recouvertes de sacs de sable » (3). Après la guerre, Guarienti voyage donc en Italie, observe les paysages et les vestiges archéologiques, visite les musées où il est enfin face à l'oeuvre et, en 1949, il obtient une bourse du Ministère des Affaires étrangères qui le porte jusqu'en Espagne. (2) Il est exposé dans de multiples galeries parisiennes. On peut citer deux expositions en France qui ont marqué les médias : En 1977 le Musée des Beaux Arts de Caen lui a consacré une exposition monographique d'une soixantaine d'oeuvres dont le commissaire était Alain Tapié. Il a également participé à l'exposition Art et Architecture au centre Pompidou de 1984. https://www.centrepompidou.fr/fr/programme/agenda/evenement/crBxXa (3) Carlo Guarienti, Il problema della pittura, Rome, 1993, in Palazzo Sarcinelli, giornale della mostra, Conegliano. |
John Harrison Levee (1924-2017) un peintre insuffisamment reconnu - Un texte par Martine Manfré Itzinger
A quand une exposition consacrée à John Levee dans nos institutions, qui pourrait être comprise comme un réveil ou, tout du moins,comme la réparation d'une injustice tardive faite à une grande figure de l'abstraction. La question est : pourquoi sa fortune critique n'est elle toujours pas à la hauteur de celle de ses contemporains? La reconnaissance de cet artiste majeur de l'abstraction semble toujours aussi discrète, bien en deçà de la renommée des artistes américains de sa génération tels que Rothko,Stella, de Kooning et consorts. Il serait peut être temps de rendre hommage à un artiste qui est venu et a vécu en France et dont les qualités créatrices, jamais remises en cause, justifieraient largement qu'une rétrospective lui soit consacrée en France et pourquoi pas à Paris dans sa ville d'adoption. Il semblerait que son indépendance d'esprit l'ait desservi car il est resté fidèle à une forme de liberté artistique jugée rebelle et a accordé plus d'importance à son art qu'au marché de l'art. Les protagonistes du théâtre artistique international lui en ont a apparemment tenu rigueur.
(2) - New York University, University of Southern California de Los Angeles, Washington University (3) - Patrick Reynolds, L'Expressionnisme Abstrait, Editions Le Musée Privé, 2007 |