« Composition » de John Harrison LEVEE, lithographie en cinq couleurs éditée à 30 exemplaires sur papier Johannot en 1954, aux dimensions de 66 sur 51 cm , acquise par le MOMA.
« Grand Nielle n°2 » de Gérard TITUS CARMEL, sérigraphie en cinq couleurs éditée à 60 exemplaires sur vélin d’Arches, en 1997, aux dimensions de 90 sur 63 cm.
Une sensation d’énergie contenue, de mouvements et d’équilibre émane de cette estampe de John Harrison Levée datant de sa période « Expressionisme abstrait ». Une paréidolie en forme de « machine » s’en dégage. L’équilibre de l’ensemble est tel que l’artiste est à même de nous en préciser le centre de gravité, situé au croisement des branches d’une figure en forme de « X ». Autour s’organise la « machine » dont la clef est à prendre dans un « rond postérieur » au positionnement pouvant aussi évoquer un réservoir ou un moteur... Trois angles orientés s’y inscrivent en traits clairs : vers le haut, vers le bas et, plus ouvert et doté d’une aura de profondeur, vers l’avant. Ils donnent à l’ensemble une assise dans l’espace. L’aplat rectangulaire et noir, en avant du « réservoir » fait contrepoids par sa masse à « l’outil » dressé en haut et en avant de la « machine ». Il participe à l’harmonie de l’œuvre.
L’étude des tracés peints par John Harrison Levée manifeste une intention d’évoquer des vibrations, des mouvements . Ainsi la « roue » à l’avant, au moyeu noir, est dotée d’une cinétique évidente ; la ligne sinusoïdale au-dessus du « rond postérieur » est pleine à l’arrière mais soumise aux vibrations dans sa partie antérieure ; des petits traits multiples et verticaux évoquent en bas et à l’arrière de la « machine » la présence possible de gaz d’échappement…
La photographie n°2 précise en gris le contour des trois possibles parties de la « machine ». La base évoque un appareil de locomotion : présence d’une « roue » à l’avant, d’une assise à l’arrière et (pourquoi pas ?) d’un pot d’échappement... La figure triangulaire noire orientée vers l’avant pourrait être un châssis ou des bielles. Au-dessus et à l’arrière s’imagine « l’habitacle » du machiniste. Des vitres et un toit s’y devinent. En avant se conçoivent deux « outils » dont l’un, supérieur, est fixe et prêt à l’usage quand l’autre, en action, creuse déjà son chemin dans le bistre antérieur… Le centre de gravité de l’estampe est visualisé en vert. |
La photographie n°3 illustre la présence à deux reprises dans le corps de l’œuvre d’angles semblables à ceux du « rond postérieur ». Soumise à la pesanteur, la « machine » se meut dans son espace… |
Trois courbes (soulignées en orangé sur la photographie n°4) s’inscrivent sur le pourtour : concave en haut sur « l’habitacle », concave et convexe en avant sur les deux « outils » de la « machine ». La courbe « garde-boue » au-dessus du « rond postérieur » est en fait sinusoïdale. Sa portion antérieure est soumise aux vibrations. Outre le noir, la lithographie de John Harrison Levée utilise le gris foncé, le bleu, deux tonalités de marron et le bistre. La couleur du papier offre un ocre clair. Deux applications manifestes de roux sont visibles : un aplat dans « l’habitacle » et une courbe faisant contour sur la « roue » en avant. Il apparait utile ici de s’approcher de l’œuvre pour y observer de près le travail de l’artiste : une troisième trace de roux est présente. Celle-ci prend forme dans le petit angle orienté vers le bas, peint dans l’assise arrière. Invisible dans la masse de l’ensemble quand nous regardons l’œuvre avec recul, comme cela se fait le plus fréquemment, il pourrait s’agir là d’une application de roux devenue nécessaire pour le peintre afin de satisfaire à un équilibre ternaire… |
Une observation attentive décèle encore dans la structure trois triplets de lignes parallèles ainsi que la photographie n°5 l’indique. Les figures d’angles dans le « rond postérieur » sont donc au nombre de trois. Un quatrième aurait logiquement désigné l’arrière. Il n’existe pas ! Mouvement donc vers l’avant… Il reste que la gouache à partir de laquelle le peintre a créé sa lithographie comprend là un trait supplémentaire, parallèle à la branche postérieure de l’angle descendant. Il reste aussi que d’autres angles sont définissables dans « Composition » mais ceux-là ne font pas vraiment « sens »… L’étude de cette estampe montre donc, et à plusieurs reprises, la présence de structures ternaires dans sa composition. Est-ce là, chez John Harrison Levee, l’expression d’une intention ou bien le résultat d’une pratique gestuelle non véritablement consciente ? 2 - « Grand Nielle 2 » Equilibre et sensation de dénuement émanent de cette sérigraphie. Outre le noir sur un fond texturé parsemé d’ocre clair sont présentes trois couleurs : le gris dans les trois réserves sur fond d’ocre soutenu ; le marron des lignes horizontales, fines et parallèles des réserves supérieures et celui des tracés parallèles et courbes de la réserve inférieure. Le schéma de l’œuvre s’appuie sur trois formes triangulaires, sur trois réserves aux contours principalement rectiligne et sur deux « clavicules » qui s’équilibrent avec les tracés courbes et horizontaux de la partie inférieure de la sérigraphie. Les techniques utilisées sont la projection de peinture, son application irrégulière au pinceau large et enfin ce tracé régulier et fin formant des lignes parallèles dans les deux réserves supérieures. Trois réserves aux trois couleurs (le gris, le marron et l’ocre soutenu) forment une figure angulaire symétrique de l’angle noir. L’unique portant le poids de la multitude !... J’ai choisi ces deux estampes, après « Coup d’œil » de Pierre Alechinsky, pour illustrer l’hypothèse que l’usage dans l’art graphique de la notion conceptuelle du chiffre « Trois » n’est pas rare, qu’elle sert la construction de l’œuvre et lui confère possiblement un équilibre et une cinétique… Hervé Le Goaréguer |
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