Brassaï for ever

Brassaï & Roger Grenier, « Correspondance, 1950-1983, Gallimard, Paris, 2017

« Dans le secret d'une photo »  Roger Grenier écrivait  « Le présent est un pays étranger, j'y vis en exil. ». Pour autant la mémoire de Brassaï que forcément le livre rameute n'incite pas à la seule nostalgie. Et si Grenier se revendique du passé ; s'il ressent, âge aidant,  davantage le regret  que l'envie d'agir dans le présent, il fait preuve dans « Brassaï est les lumières de la ville » - essai qui ouvre cette correspondance riche de documents iconographiques – d'un beau recul des choses qu'il remet à leur juste place.

L'auteur explique aussi la genèse des photos nocturnes de Brassaï, sa capacité à trouver des solutions originales  et « parfois saugrenues » pour capter prostitués, clochards ou autres sujets. Il prouve en élargissant son approche que  « l'art qui ment le moins » devient pourtant de moins en moins le tremplin pour l'imaginaire qu'il fut pour Brassaï. Et les « selfies » ne sont pas faits pour améliorer le problème...

Grenier garde comme  maître, grand frère et ombre tutélaire celui qui, contrairement à lui, détestait Paris : Camus. Mais le lecteur de Gallimard n'oublie pas une des premières phrases que l'auteur de  « L'Etranger » lui adresse : « Je ne te laisserai jamais tomber ». Et Grenier de préciser « Je connais peu de gens qui pourraient dire une chose pareille. Il ne m'a en effet jamais laissé tomber ». Lui-même fit de même avec Brassaï. Sa correspondance avec le photographe le prouve même s'il demeure tel qu'il est : peu disert. Brassaï et son épouse y sont plus bavards.

Toutefois les échanges épistoliers n'étaient là que pour combler les absences du couple : Les Brassaï voyageaient beaucoup mais n'oubliait jamais le Régent du collège de Pataphysique qui fit haussé à ce titre par son fondateur que Grenier décrit ainsi : « Emmanuel Peillet, alias Anne de Latis, Jean-Hugues Sainmont, Dr Sandomir, Mélanie le Plumet, Oktav Votka, Elme Le Pâle Mutin, etc. C'était un professeur de philosophie pince-sans-rire très drôle ».

Pour autant Grenier ne fanfaronne jamais. Pas plus dans sa vie, ses livres que dans cette correspondance. Et l'auteur de préciser : « On m'a reproché il y a quelque temps de ne jamais y mettre les pieds mais c'est pourtant, pour moi, un des principes de la pataphysique, qui est de ne rien faire. J'y suis fidèle »... Comme il fut fidèle à Brassaï. L'artiste et sa femme purent compter sur lui. Et il aurait pu leur adresser les mots que Camus lui adressa. Ses actes et cette correspondance le prouve.

Jean-Paul Gavard-Perret

Brassaï & Roger Grenier, « Correspondance, 1950-1983, Gallimard, Paris, 2017
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Etablies en prévision de l’exposition rétrospective 1941-1973 intitulée "La liberté de peindre" qui aura lieu du 27 Mars au 26 Avril 2020  à Mers-les-bains, les notes qui suivent mêlent considérations historiques et confidences privées.

Elles vous familiariseront avec cet artiste dont la vivacité d’esprit, la culture étendue, la perpétuelle inquiétude, l’humour dévorant, la générosité de cœur, mais aussi les aspects les plus sombres de son tempérament, ont fortement impressionné ses amis et  proches.

  • « Pour des artistes tels que Michel Patrix, l'art est une aventure. C'est aussi une expérience vivante. Son activité est désintéressée. Elle se situe sciemment en marge des postulats de l'École de Paris. Elle traduit une volonté de choix qui s'écarte de la norme et une vocation qui échappe totalement à l'emprise de la mode. C'est une activité personnelle et individuelle qui côtoie l'anarchie. Elle n'est concevable que dans un pays libre qui se targue d'ignorer les contraintes esthétiques. Comme la plupart des peintres de sa génération, Michel Patrix subit (ou a subi) la puissante attraction du cubisme, mais il a adopté devant les découvertes de ses prédécesseurs une attitude nouvelle et indisciplinée. » - Waldemar George

Difficile en effet d’évoquer cette personnalité complexe, férue de philosophie, d’anthropologie, d’archéologie, de musique, d’histoire et de poésie.

Michel Patrix disait avoir été marqué par le fait de porter la version masculine du prénom de sa soeur ainée Micheline décédée en bas âge d’une méningite. Peut être est-ce dans le défi que sa naissance a représenté pour ses parents qu’il faut chercher les tendances héroïques de celui que ses collègues de la jeune peinture Parisienne des années 50 surnommait ‘l’increvable”?.  

Exposition Michel Patrix Mers Les Bains
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Oleg GOUCOFF par Lydia HARAMBOURG ©

Historienne de l’art
Correspondant de l’Académie des Beaux-Arts,
Institut de France

Comment passe t-on de la sculpture à la peinture ?

Il semble que pour Oleg Goudcoff, les deux activités aient été consubstantielles de son engagement d’homme et d’artiste sans autre transcendance que celle d’un dépassement de soi inlassablement reconduit. Inébranlable et incorruptible, il quête l’indévoilable mystère de la création. L’expressionisme douloureux renfermé dans toute matière organique ou minérale se heurte à l’immatérialisme, tel que kandinsky le rêvait. L’enjeu existentiel d’Oleg Goudcoff se départit de tout automatisme esthétisé et passe par le risque permanent d’échouer, pire de chuter sans jamais renoncer à conquérir l’impossible, tel Sisyphe.
Voilà que l’œuvre nous apparaît aujourd’hui dans sa vérité. Ce moment rare qui est donné aux historiens de l’art, aux amateurs, nous saisit par le prodige d’une découverte qui nous conduit au seuil d’une révélation intacte.

Rivé aux ressacs chaotiques de la matière, Oleg Goudcoff s’est emparé pareillement des grands espaces de la toile et du papier au beau grain chaud pour y coucher les apparences ravies à la Nature aussi puissamment que le font, le vent dans les branches, l’éclat de la pierre, la terre pétrie, les lumières éphémères.
Qu’attendait-il d’un geste qui se réinventait en permanence ? Figuratif ou non figuratif ? L’attente était ailleurs pour celui qui visait à restituer la forme de l’informe sans davantage chercher à donner un équivalent informe de l’informe. Très tôt une certitude l’habite, que le monde visible est un réservoir où choisir des éléments présupposés authentiques de la vie et du monde cosmique comme si de cette réalité, de celle de leur matière résultait nécessairement l’authenticité de l’esprit.

Formé à la discipline des techniques de sculpture, de la taille directe et du modelage, le respect du passé, ses acquis traditionnels auprès de ses maîtres Marcel Gimond aux Beaux-Arts de Paris et de Gustave Seitz à ceux de Berlin Est, le préparent au langage de la forme, de l’expression, du choix des matériaux et des effets visuels.
Précisément, c’est en questionnant le langage de la forme que Goudcoff met en place un processus de création sans se couper de ses instincts premiers et d’une intuition qui ne le quittera jamais. La sculpture naît à l’intérieur de lui-même et obéit à ses désirs intimes.
On peut facilement établir des éléments de comparaison avec l’arbre et sa métamorphose selon l’écoulement du temps, lent ou accéléré d’une cosmogonie soumise aux poussées originelles. D’autres points convergent avec les structures organiques, les phénomènes de développement et les forces de la nature, rendus visibles. La surface rugueuse de la sculpture subit les assauts de l’érosion naturelle. Ridée, nervurée, déchirée, grattée, elle se fractionne, ouvre des béances, vides mystérieux où s’absorbent nos rêves comme nos cauchemars. Notre introspection fervente l’est autant que l’énergie qui traverse et anime ces formes renouant avec les mythes primitifs, avec les labyrinthes d’où surgissent des humains larvés et tout un bestiaire venus des torrents de lave domptés. L’oxydation des patines renforce les blessures creusées, râpées, en devenant les marques d’une nouvelle identité corporelle. Rodin, Zadkine, Germaine Richier, Giacometti qui le précèdent répondent à l’appel. Les figures anthropomorphes témoignent des pérégrinations de l’âme, des flux vitaux, en leur donnant vie.

Oleg Goudcoff La vierge sage 1967 Fonds National d'art Contemporain

Oleg Goudcoff La vierge sage 1967 Fonds National d'art Contemporain

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Jean Paulhan écrivait à propos de l'informel : « Les anciens peintres commençaient par le sens, et lui trouvaient des signes. Mais les nouveaux commencent par des signes, auxquels il ne reste plus qu'à trouver un sens ». . Il était normal qu'il y eut, parmi les signes orphelins de la débandade du brouhaha et du rififi, de l'informel. Mais sans doute on-t-ils depuis réfléchi sur leur dynastie, puisque voici Oleg Goudcoff et devant ses œuvres l'on peut reprendre aux orties la vieille question que comme un froc on y avait jetée : « Qu'est ce que  cela signifie ? ».

De ce verbe signifier il faudrait parler. Qu'on n'attende pas en tous cas l'explication claire, habitable, clefs en mains. Il est dans la nature de cette oeuvre que son sens ne soit pas citable, explicitable : ses figures le dessinent et ne s'effacent, parfois devant lui, que comme la matière d'un mot dans un discours en résonnant lointainement à travers lui et en occupant longuement l'arrière pensée, l'arrière pays de l'esprit.

Nous ne pouvons employer pour en parler que des images, ces receleuses de sens multiples. La première qui s'impose à moi est celle de l'arbre.

ARBRE, cela rend compte d'un soulèvement puissant à partir de graines infimes, de l'insurrection de jachères visibles dans ce mouvement qui porte le plâtre vers les hauteurs. De la même manière l'arbre prend de la matière, l'éduque, la structure, l'élève et lui assure en haut ce déploiement victorieux de feuilles qui est celui de Cœur à corps, avec une lenteur paysanne il extrait, comme méditant un sens jamais clair bien qu'il apparaisse dans l'éclat de ces feuilles, ces oreilles consacrées à l'air. Et en même temps l'arbre reste splendidement matière obtuse dans son sarrau d'écorce.

Puissante est cette poussée immobile, capable de disjoindre le roc et qui reste attachée à la terre ( Earthbound a-t-on écrit dans le New York Herald Tribune) . Elle est sombre comme un mur et elle est autre chose encore.

Un jour l'on demandait à Oleg Goudcoff ce qu'est pour lui une forêt. La réponse fût instantanée : « Un mur transparent ».

Oleg Goudcoff sculpture A coeur ouvert

Oleg Goudcoff sculpture "A coeur ouvert"

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Erik Purienne

Erik Purienne, « Purienne »

par Jean-Paul Gavard-Perret

Avec le photographe sud-africain Erik Purienne chaque modèle reste la Sibylle énigmatique. Elle rappelle à l'innommable puisque c'est à partir de l'insensé de sa rencontre que le miracle optique se propage en emportant les nuits noires. Reste la tiédeur dans un mouvement de la marée. Erik Purienne bouscule la solitude, réveille - mais à peine -  le corps tout en caressant le désir. Chaque photographie donne corps à une attente en clôturant  chaque foi et provisoirement une forme, un espace : ils deviennent des interstices. Le corps  cherche sa gravité pour ne pas totalement se volatiliser. Ou se volatilise pour révéler une présence.   Une main parfois furète, détourne, gravite, descend presque jusqu'à nacre rose. Le photographe suggère des émergences, des gémissements, le vibrato des bouches, leurs prières. Mais tout demeure en suspens de ce qu'on nomme luxure.

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Patrick Reynolds1/  DEPUIS COMBIEN DE TEMPS PRATIQUEZ-VOUS LA PEINTURE ?

Adolescente, j'ai commencé par la poterie dans un petit atelier de la banlieue parisienne à Herblay dans le Val d'Oise.

J'ai  étudié le dessin dans un des ateliers du quartier des Batignolles dans le 17ème arrondissement et la sculpture avec Roberto ALVAREZ RIOS à La Ruche à Paris également. Sa rencontre fut déterminante pour moi. En travaillant avec Roberto, j'ai découvert sa démarche artistique et je suis tombée « amoureuse » de ses dégradés, de ses formes voluptueuses qui m'ont embarquée dans un voyage qui ne s'arrête pas.

2/  QU'EST-CE QU'UN ARTISTE ?

C'est comme une puce... quelqu'un qui saute devant, derrière, de bas en haut, de gauche à droite, qui cherche, qui tombe, qui s'agrippe, se relève, qui trouve... en principe ! Bref, un être humain comme un autre !

3/  QU'EST-CE QUE L'ART ?

C'est ce qui permet à l'homme de s'ouvrir à l'autre, dans sa totalité et dans un langage qui est le sien. L’art est un langage universel quelle que soit sa matérialisation dans une œuvre : l’art doit déclencher une émotion ou transmettre un message qui sera lu , décrypté, interprété selon le parcours culturel de celui qui regarde.

Gilda Richet devant un tableau de la série Eroticones

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Tyler Shields :  le réel ludique et l'érotisme ironique

par Jean-Paul Gavard-Perret


Tyler Shields, Andrew Weiss Gallery, Santa Monica, California

 
Tyler Shields est le maître des narrations photographiques ironiques et léchées. Tout est impeccable si bien que le réel semble un songe avec souvent bien des références cinématographiques aux films « de genre » (érotique, suspense pas exemple). Néanmoins l'artiste américain les peint, les épile, les maquille superbement. L'image ne cherche plus à singer la réalité même si c'est bien elle qui pourtant est choisi comme support et base aux fantaisies de l'artiste. Il pourrait donc reprendre à son compte le « je suis la matière de mes rêves » de Michaux.

Tylers Shields Courtesy Andrew Weiss Gallery Santa Monica

Tylers Shields Courtesy Andrew Weiss Gallery Santa Monica

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Arnaud CohenArnaud Cohen : révision du système des images

par Jean-Paul Gavard-Perret

Arnaud Cohen, « Rémission + Rétrospection » Palais Synodal, Sens,14 juin- 20 septembre 2015, « A l'ombre d'Eros - une histoire d'amour et de mort»,   Monastère Royal de Brou, Bourg-en-Bresse, 19 juin 2015 - 4 janvier 2016.

Dans la salle synodale du Palais de Sens (redessiné par Viollet-le-Duc) Arnaud Cohen convoque à travers ses mises en scènes et ses sculptures une critique de notre époque Dans « Rémission » l'artiste cultive deux ambitions ou espérances qu'il définit lui-même  :  « celle d'un sursaut vital et d'une rémission du cancer qui nous ronge, celle d'une rémission de nos pêchés à l'heure du jugement dernier ». Entre préoccupations physiques et métaphysiques le créateur montre en filigrane comment «  une Europe malade de ses doutes et de ses peurs roule à tombeau ouvert vers un suicide collectif ». L'œuvre est ambitieuse, profonde, habitée mais non sans humour. Un Saint Sébastien est fléché de seringues et dans un hôpital de campagnes les opérations en cours ou passées font surgir divers monstres et hybrides.

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L'Eden et après

Nadia Lee Cohen par Jean-Paul Gavard-Perret

Nadia Lee Cohen

Provocantes, mélancoliques parfois  effrayantes les poupées US de l'anglaise Nadia Lee Cohen portent plus loin les critiques qu'un art féminin a déjà illustré avec Nan Goldin et Cindy Sherman. Ne semblant pas aimer ce qu'on a fait d'elle, ces femmes subissent une beauté fabriquée qu'elles doivent assumer. Filles de tous elles deviennent filles de rien mais restent sauvées par le regard de la jeune anglaise qui épouse leur désarroi silencieux. Non seulement ses clichés viennent percuter les murs de la mémoire par nostalgie (des années 60) mais  celui-ci permet la critique d'un présent ravagé mais qui dans ces mises en scènes enfoncent dans les arcanes de l'étrange. 

 

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Laura CallaghanLaura Callaghan : soft lesbian power

par Jean-Paul Gavard-Perret

Laura Callaghan dessine  au présent sa propre histoire sans entrer dans les détails. N'en surgit que la mystique et sensuelle moelle. Son présent est riche de tout un passé et s'engrosse encore d'avenir.  Ce présent à la fois poétique et réaliste actualise des scènes quotidiennes afin pour  nous réfléchissions sur le sens de notre propre existence et sur nos a-priori. En effet Laura Callaghan explore par ses dessins les frontières, les limites du féminin et son incessant devenir. L'intimité est toujours traitée de manière allusive et sous forme narrative. L'homme est exclus d'un tel univers : cela évite tout  "épapillonnement" . Et si la créatrice  flaire lèche croque des grains de peau, si elle accroche aux cheveux de ses copines ses grains de folies, cela se montre sous forme d'aporie.

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LE MUSEE PRIVE

Tél: (33) 09 75 80 13 23
Port.: 06 08 06 46 45

 
Patrick Reynolds
 

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Directeur de publication

 

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