L'Eden et après
Nadia Lee Cohen par Jean-Paul Gavard-Perret
Provocantes, mélancoliques parfois effrayantes les poupées US de l'anglaise Nadia Lee Cohen portent plus loin les critiques qu'un art féminin a déjà illustré avec Nan Goldin et Cindy Sherman. Ne semblant pas aimer ce qu'on a fait d'elle, ces femmes subissent une beauté fabriquée qu'elles doivent assumer. Filles de tous elles deviennent filles de rien mais restent sauvées par le regard de la jeune anglaise qui épouse leur désarroi silencieux. Non seulement ses clichés viennent percuter les murs de la mémoire par nostalgie (des années 60) mais celui-ci permet la critique d'un présent ravagé mais qui dans ces mises en scènes enfoncent dans les arcanes de l'étrange.
Au sein des fantômes autour duquel louvoie une forme de volupté, les femmes créent une sensation de vertige au sein de boules à miroir d'un soleil plus ou moins noir. L'artiste anglaise construit un pseudo-reliquaire de formes kitsch et vintages enchâssées dans des lieux qui deviennent des frontières visuelles. Les photos deviennent des écrins labyrinthiques à hantises : leur "vide" laisse apparaître des reconstitutions où l'image "pieuse" de la playmate moins qu'objets votifs met en évidence une problématique d'un conditionnement du féminin. Il n'en peut mais. Demeure une forme d'énigme en ce rapport du passé au présent - mais pour quel futur ? |
Il faut donc considérer cette recherche comme un travail sociologique et comme un symptôme d'une mémoire aussi individuelle que collective. Deux discours ont donc lieu dans la conjonction des découpes en un vertigineux mouvement d'abîme. Par de telles feintes de reliques "Marylinienne" les images codées sont renversées, entre tristesse et couleurs saturées. Plus que la fascination mélancolique Nadia Lee Cohen cultive par traces, stigmates, vestiges moins ce qui relèverait d'un culte rendu au passé qu'une rigoureuse critique du matérialisme. Tout caractère d'ornement lui-même est contesté par l'artiste. Jean-Paul Gavard-Perret |