L’oeuvre gravé d’Antoni Clavé comprend près de 520 estampes originales ainsi que plusieurs centaines gravures d’illustrations. Pleinement impliqué dans le domaine de l’imprimé, l’artiste catalan se sert de tous les procédés pour expérimenter des combinaisons infinies d’effets, de matières et de couleurs. Après une brève expérience en Espagne, Antoni Clavé commence à pratiquer véritablement la lithographie en 1939 dans l’atelier d’Edmond Desjobert qui fut l’imprimeur de Picasso, Maillol, André Lhote ou encore Zao Wou-Ki, Maurice Estève et Jean Dubuffet. De facture classique, les premières lithographies de Clavé sont mises au service de la narration et de l’illustration. L’un de ses ouvrages, Gargantua, publié en 1955, renouvelle durablement l’iconographie du peintre, dont les sujets – rois et reines, guerriers et natures mortes – sont conçus au moyen d’enchevêtrements de matières.
Lors d’un séjour à Barcelone en 1965, Antoni Clavé s’initie à l’aquatinte et à l’eau-forte. Installé ensuite à Saint-Tropez, il délaisse la lithographie au profit de la taille-douce. Il grave sur cuivre, sur zinc. Il aménage un atelier dédié exclusivement à l’estampe. La découverte en 1968 de la gravure au carborundum, récemment mise au point par le peintre-graveur Henri Goetz, est une révélation pour Clavé qui en fait sa technique de prédilection. L’ajout de matières et la réalisation d’empreintes rendus alors possibles grâce au gaufrage viennent enrichir son répertoire iconographique et correspondent parfaitement à sa démarche artisanale et expérimentale. Grâce à ces techniques, il explore d’autres matériaux comme l’aluminium et crée jusqu’à la fin des années 1990 une multitude d’estampes rivalisant d’ingéniosité. Il s’amuse à associer toutes sortes de matériaux à ses eaux-fortes et aquatintes : tissus, cartons, bois, coupures de journaux, cordes, clefs, et plus tard clous, punaises, vis, trombones et agrafes.
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Né à Barcelone en 1913, Antoni Clavé effectue toute sa carrière en France. À l’âge de 13 ans, Antoni Clavé doit travailler et est embauché comme commis dans une maison de tissus pour gaines et corsets. Il s’inscrit au cours du soir de la Escuela de Artes y Officios Artisticos y Bellas Artes de Barcelone. Il apprend ensuite à manier les brosses, à dessiner, à faire des lettres et du faux bois chez Tolosa où il est embauché comme apprenti peintre en bâtiment, place qu’il abandonne pour vivre de travaux publicitaires et décoratifs dans lesquels il s’essaie déjà à des expérimentations d’avant-garde : des collages de matières diverses, cordes, tissus imprimés, carton ondulé, papier journal. Ces premières expériences l’initient à des procédés et des matériaux qui sont au coeur de sa pratique artistique, en peinture comme en gravure mais aussi pour ses oeuvres sculptées.
En 1936, la Guerre d’Espagne éclate et éloigne Antoni Clavé de son pays. Il arrive en France début 1939. Il expose dès son arrivée des dessins exécutés du camp d’internement de Prats de Molló, des gouaches et quelques portraits à la mine de plomb de ses compagnons d’infortune. Arrivé à Paris, il vit de travaux d’illustrations, notamment pour une maison d’éditions enfantines pour laquelle il dessine des comics. Il crée par ailleurs des sculptures surréalistes, premiers assemblages de l’artiste.
Antoni Clavé débute véritablement sa carrière d’artiste au début des années 1940 sous la protection du groupe des peintres espagnols de l’École de Paris. Époque intimiste, ses huiles et gouaches sont influencées par Pierre Bonnard et Édouard Vuillard. Il pratique la lithographie dans l’atelier Desjobert à Paris. En 1944, sa rencontre avec Picasso est déterminante dans sa vie comme pour l’avenir de son oeuvre.
Décors et costumes de ballets composent à cette même époque une part essentielle de son travail : Théâtre Marigny, Covent Graden, Théâtre de l’OEuvre, Ballets des Champs Elysées, Ballets de Ruth Page, Chicago Opéra Ballet, Festival du XXe siècle, Les Noces de Figaro, de Mozart, Ballets de Roland Petit. Malgré un succès grandissant, Antoni Clavé abandonne la décoration théâtrale en 1954 pour se consacrer uniquement à la peinture.
Antoni Clavé est également l’auteur de nombreux livres de bibliophilie qu’il illustre : Pouchkine, Mérimée, Voltaire, Rabelais. Ces travaux lui inspirent de nouveaux sujets : Roi de cartes, Personnages du Moyen Age et Guerriers. Les expositions se succèdent : Galerie Delpierre à Paris, Anglo-French Art Centre à Londres, Galerie Robert Martin à Oran, Malmö et Göteborg.
Dès le début des années 1950, l’oeuvre d’Antoni Clavé connaît une reconnaissance internationale. Il expose à Buenos Aires, Rome, Milan, Londres, Barcelone Genève, Bilbao, Tokyo, Cologne. Il se rend au Japon en 1972, puis rentre en France par New York où les graffitis des rues et du métro lui inspirent des peintures. Il entreprend la suite de gravures destinées à illustrer La Gloire des Rois de Saint-John Perse. Il exécute également ses premiers essais de papiers froissés en trompe-l’oeil. Il est exposé au Musée national d’art moderne Centre Georges Pompidou et au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, entre autres.
Les années 1980 voient croître la reconnaissance d’Antoni Clavé dans son pays natal où se multiplient les expositions. Son OEuvre est présenté à la Sala Gaspar, au Centre d’Études Catalanes comme à la FIAC de Paris en 1982. Il réalise la même année une peinture murale de 9 mètres sur 3 pour l’aéroport de Barajas à Madrid. En 1984, le pavillon espagnol de la Biennale de Venise est consacré à Clavé : 125 oeuvres, peintures, sculptures, maquettes et projets de costume de théâtre, retracent l’essentiel de son oeuvre que complètent 150 lithographies et gravures au Museo de Arte Contemporáneo de Madrid.
En 1985, Antoni Clavé rend hommage à Pablo Picasso en présentant 13 peintures et collages sous le titre A Don Pablo à la galerie Regards à Paris puis au Musée Picasso à Antibes, et l’année suivante à la Sala Gaspar. Il fait un nouveau séjour au Japon en 1986 où sont organisées quatre expositions de son oeuvre. Deux ans plus tard, ses premiers « tableaux-jouets » sont montrés à la FIAC. Clavé fait un voyage à New York qui lui inspire de nouvelles peintures qui sont présentées à la Foire de Bâle ainsi qu’à Paris. En 1990, la sculpture monumentale commandée par la municipalité de Barcelone pour commémorer l’Exposition Universelle de 1888 est installée au parc de la Citadelle. Les expositions et grandes rétrospectives en Europe se multiplient au cours des années suivantes : Santiago du Chili, Barcelone, Bologne, Paris, Nice, Madrid, Milan, … mais aussi New York et Tokyo.
Depuis son décès en 2005, de grandes rétrospectives ont été consacrées à Antoni Clavé : Fondation Fernet-Branca de Saint-Louis, Galerie Beyeler de Bâle, Musée Picasso de Münster, Biennale de Venise, Espace Rebeyrolle d’Eymoutiers. Son OEuvre est par ailleurs présenté dans de nombreuses expositions thématiques, historiques ou collectives, en France comme à l’étranger : Frankfort, Aix en Provence, Toulon, Barcelone, Saint-Tropez, ....
En mars 2011, le premier lieu entièrement consacré à l’oeuvre d’Antoni Clavé et conçu par Tadao Ando est inauguré près de Tokyo, prolongeant ainsi le lien singulier tissé dès les années 1960 entre l’artiste et le Japon.
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