Que penser des images numériques qui se multiplient et se substituent aux œuvres d’art originales? Expositions immersives, œuvres générées par ordinateur, écrans interactifs, artistes numériques et NFT laissent à penser que produire ou admirer une peinture ou une sculpture ne suffit plus. Il faut à tout prix aujourd’hui que la prise de contact avec l’art soit ludique et numérique. L’émotion face à l’œuvre n’est plus une priorité semble-t-il et les lieux d’exposition sont devenus à mon sens des lieux de consommation plus que des lieux de connaissance, de flânerie et de rêverie.
Nous voyons fleurir aux quatre coins du pays, et même du monde, des projections spectaculaires d’œuvres d’art qu’il n’est plus besoin de découvrir ‘’de visu’' pour les apprécier. L’idée est plaisante mais est-elle suffisante? Entrer dans une salle où sont projetées des images géantes qui se répondent, se superposent, se croisent et se mélangent sur des écrans à 360 degrés et à grande vitesse semble désormais ce qui se fait de mieux en matière de diffusion de l’art auprès du public.
Il n’est plus au gout du jour de prendre son temps devant une œuvre, de prendre du recul pour en savourer la vue d’ensemble ou, au contraire, de s’en approcher le plus possible pour en percevoir chaque détail au risque de déclencher une alarme et les foudres d’un gardien scrupuleux.
Voir l’œuvre ’’en vrai’’ n’est pas nécessaire pour en apprécier la beauté me direz-vous. C’est vrai! Et, de ma propre expérience, j’acquiesce. Je me remémore le plaisir de mon enfance à feuilleter un livre de peinture aux mauvaises reproductions qui pourtant m’ont tant impressionnées . Mais ces reproductions, si elles ont déclenché mon intérêt pour l’art, n’ont pas remplacé l’œuvre d’art et l’émotion que celle-ci a provoqué lorsque, enfin, je me suis retrouvée face à elle. Si l’image, sur papier glacé ou sur écran, nous donne une idée de ce qu’est l’œuvre, seule la vision directe peut révéler les effet vibratiles de la matière, sa profondeur ou sa transparence, le geste de l’artiste avec sa vigueur, son intensité ou sa légèreté. Le tableau, au-delà de la représentation, nous laisse ‘’entrer’’ dans la peinture et pas seulement dans le sujet. Il n’est pas seulement une surface plane mais une surface vivante qui nous laisse pénétrer un sujet mais aussi l’âme de l’artiste.
Et qu’en est-il de la promenade dans le musée, ce lieu où l’on vient pour voir un artiste ou une œuvre et où l’on en découvre des milliers au gré de nos déambulations. Aucun logiciel ne saurait remplacer le plaisir de se perdre dans les couloirs labyrinthiques du Louvre ou des Offices. Errer d’une salle à l’autre, d’une époque à une autre, d’un genre, d’un style, d’un artiste, d’une ambiance différents à chaque pas. Au fil des déambulations on regarde, on voit, on connait, on reconnaît mais aussi on découvre, on redécouvre puis on cherche, on trouve, on apprend, on oublie, on aime, on déteste et même, parfois, on se surprend à aimer ce que l’on détestait. L’œil s’exerce, s’habitue et le cerveau, au début plutôt en éveil, lâche prise et s’adonne à la rêverie. Le temps ne compte plus et l’on profite d’un moment de pur délice.
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