FEMMES ANNÉES 50
AU FIL DE L’ABSTRACTION, PEINTURE ET SCULPTURE.
MUSÉE SOULAGES
Jardin du Foirail, Avenue Victor Hugo, 12000 Rodez
https://musee-soulages-rodez.fr/
14 DÉCEMBRE - 10 MAI 2020Du 14 décembre au 10 mai 2020, le musée Soulages consacrera une exposition à la création abstraite des femmes dans les années 50 à Paris : Femmes années 50. Au fil de l’abstraction, peinture et sculpture.
Déjà aux Etats-Unis se tenait en 1951 l’exposition fondatrice « Ninth Street Show », une manifestation d’avant-garde dans laquelle figurait 4 femmes : Joan Mitchell, Grace Hartigan, Elaine de Kooning et Helen Frankenthaler. Dans L’autre moitié de l’avant-garde 1910/1940, éditions des femmes, publication doublée d’une exposition en 1980 en Italie, Lea Vergine parle de découvrir la « moitié suicidée du génie créateur de ce siècle ». En 2009, le Centre Pompidou offrait une importante exposition d’artistes femmes, «Elles» qui réunissait plus de 3 millions de visiteurs.
Genevieve Claisse - Slalom 1960 162x130 cm
(Courtesy Galerie Denise René)
L’exposition présentera un ensemble de plus de 70 oeuvres de provenance riche et variée : prêts d’artistes,de particuliers, d’institutions, de galeries, de fondations, de musées nationaux et régionaux (Centre Georges Pompidou - musée national d’art moderne, Fonds national d’art contemporain, musée Matisse Le Cateau-Cambrésis, musée des Beaux-arts de Nantes, abbaye de Beaulieuen Rouergue, musée de Grenoble, Musées Royaux de Belgique, les Abattoirs-Toulouse, musée de Gravelines), des fondations (Hartung / Bergman, Marta Pan / Wogensky…), des galeries françaises et étrangères (Denise René, Antoine Laurentin, Convergences, Jeanne Bucher, Callu Mérite…), ainsi qu’une dizaine de collectionneurs privés. |
JOAN_MITCHELL, sans titre 1954 - Photo (c) Centre Pomidou, MNAM CCI Dist RMN-Grand Palais Jacques Faujour |
Cette exposition historique se propose de mettre en valeur l’oeuvre des femmes dans la sculpture, la peinture, la gravure dans un milieu artistique parisien largement féminisé, galeries et critique, bien entendu. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les nations européennes sont mutilées et entament leur mue. Tout est à reconstruire : villes, pouvoir, mode de vie,de penser, arts plastiques… Et donc de poursuivre et d’amplifier la peinture et d’inventer d’autres médiums. Les historiens de l’art considèrent qu’un basculement s’opère à partir de 1945. Dominée jusque-là par la figuration, la pratique abstraite se consolide dans les années 50. Cette époque laisse place à un violent conflit entre une peinture figurative encore bien présente (de Buffet à Carzou, en passant par beaucoup de peintres de la galerie Charpentier) et les nouvelles modalités insufflées par les peintres dits abstraits. Après la surprise de l’avant-guerre, ils suscitent intérêt et admiration, aspirent à se séparer de la forme ou à renouveler leur relation avec la matière, la lumière et l’espace de la toile. Outre sa confrontation avec l’académisme, cet « art-autre » (selon l’expression de Michel Tapié) se compose d’une multitude de tendances divergentes et de parcours singuliers. Tantôt géométrique (l’art concret), lyrique, nuagiste, tachiste, non-figuratif… ces « écoles de Paris » peu cohérentes. Jusqu’ici dominé par les figures imposantes de Pablo Picasso, Pierre Bonnard et Henri Matisse, le monde de l’art s’ouvre à de nouveaux artistes rencontrant le succès en exposant aussi bien en France qu’à l’étranger : Pierre Soulages, Hans Hartung, Georges Mathieu, Nicolas de Staël, Serge Poliakoff … |
Christine Annie Boumeester (1904-1971). "Composition". Huile sur toile 1958 Paris Musée d'Art Moderne (c) Julien Vidal Musée d'Art Moderne Roger-Viollet |
L’avant-garde abstraite se développe donc avec intensité du côté des femmes. Les années 50 peuvent être considérées comme une époque charnière accompagnant les luttes pour leurs droits. Présentes en pointillé, moins exposées, rarement reconnues,les femmes peintres commencent à se revendiquer comme telles dans une pure indépendance : avant elles au siècle précédent, Berthe Morisot, Mary Cassatt, Suzanne Valadon L’après-guerre reste marqué par de grandes figures féminines de l’histoire de l’art telles que Sonia Delaunayou Sophie Taeuber-Arp. Sonia Delaunay connaît un regain d’activité, elle montre la voie de l’avant-garde à Paris. Cet air de libération que connaît la peinture fait écho aux revendications de Simone de Beauvoir (Le Deuxième Sexe,1949) selon lesquelles depuis des siècles, théologie, philosophie et sciences humaines entretiennent une image implicite de la femme fragile, changeante, émotive et irrationnelle, inadaptée aux activités sérieuses de la société. Qu’en est-il de l’art ? Dans les années 50, Paris reste un foyer actif des arts d’avant-garde, avec des femmes agissantes. Catherine Gonnard et Elisabeth Lebovici dans leur opus Femmes artistes / artistes femmes ont rédigé un chapitre sur ces femmes dans « l’art de la reconstruction », notant le renforcement de l’investissement artistique des femmes après la guerre, les galeries militantes et une manière personnelle d’envisager l’abstraction dans et en dehors des Salons. C’est de ce contexte d’effervescence créative à Paris que cette exposition propose de rendre compte, en faisant découvrir l’activité artistique des femmes, l’autre moitié de l’avant-garde ; certaines reconnues et abondamment présentées, d’autres méconnues voire laissées pour compte. Elle propose une vision exhaustive de l’univers cosmopolite de la capitale des arts dans les années 50 en réunissant les portraits de 45 femmes représentatives de cette époque. Shirley Jaffe, Judit Reigl, Joan Mitchell pour celles qui ont choisi Paris comme port d’attache pour quelques années ou pour toujours. Qu’elles soient peintres, dessinatrices, sculptrices, plasticiennes… Quelques noms s’imposent : Pierrette Bloch, Marta Pan, Colette Brunswick, Christine Boumeester, Vieira da Silva, Geneviève Asse, Marcelle Loubchansky, Aurélie Nemours, Vera Pagava, Marcelle Cahn, Anna-Eva Bergman, Dumitresco, Karskaya, Staritsky, Alicia Penalba, |
Nemours Aurélie - 191 Le navire Argo 1957 116x90 cm H-T (Courtesy Galerie Denise René) |
Isabelle Waldberg… Elles ont incarné le renouveau artistique d’après-guerre, souvent au côté de femmes galeristes déterminées à mettre en valeur leur travail : Denise René, Colette Allendy, Nina Dausset, Lydia Conti, Florence Bank, Nina Dausset… sont autant de références. Il suffit de se plonger dans les catalogues du Salon des Réalités Nouvelles et dans les numéros de Cimaise pour voir cet univers se déployer largement, avoir la reconnaissance des galeries, de quelques musées et de la critique. Nous n’oublions pas les figures de Herta Wescher et Claude-Hélène Sibert pour Cimaise, de Geneviève Bonnefoi pour les Lettres Françaises, d’Odile Degand… Il ne s’agit pas de revendiquer, mais de rétablir une vérité factuelle et riche à défaut de rechercher à toute force l’équilibre hommes / femmes ; il s’agit de mener une recherche déjà commencée par d’autres. « Pourquoi séparer l’histoire des artistes femmes de l’histoire des artistes en général ? » affirment Lebovici et Gonnard. Ajoutant par ailleurs que la non-mixité ressort de la tactique politique. Le critique Michel Seuphor admettait maladroitement les qualités de ces femmes au coeur d’un univers d’hommes qui remportait tous les suffrages, plus connus et donc plus facilement exposés : à main droite les hommes, à main gauche les femmes qui comptent dans la décennie 50/60. Seuphor écrivit un livre sur Penalba, Michel Ragon sur Marta Pan… L’exposition est dédiée à Geneviève Bonnefoi, éminente auteure et critique d’art, fondatrice du Centred’art de l’abbaye de Beaulieu-en-Rouergue, décédée, en 2018. |
Commissariat : Catalogue : aux Editions Hazan |